Le magnifique trailer montré en juin dernier à l’E3, et les séquences de gameplay révélées depuis, laissaient présager du lourd. C’est donc avec fébrilité (au moins) que nous retrouvons Desmond dans le coma tentant de rassembler sa psyché, et Ezio, diablement sexy avec sa barbiche et ses cheveux poivre et sel, suivant les traces de son illustre ancêtre Altaïr, entre Masyaf et Constantinople.
Bienvenue à Constantinople:
Après Rome, Venise (aah, les gondoles), Florence, Ezio met cette fois si son grain de sel à Constantinople. Que l’on connaisse ou pas Istanbul, force est de constater que les lieux sont toujours aussi jolis, « on s’y croirait ». Un effort a même été fait sur la lumière, qui donne un petit côté « on est dans l’sud » plutôt réussi. Le joueur pourra donc déambuler à loisir dans les artères principales, le dédale de petites rues secondaires, contempler quelques mosquées, escalader des minarets…
La partie dans l’Animus, quoi que plus dépouillée, est agréable aussi, avec un côté zen-il-pleut-des-monolithes, et une lumière plus diffuse, plus brumeuse, qui montre bien dans quel état se trouve Desmond.
C’est joli, mais ce n’est pas non plus la claque, entendons-nous bien, ça reste du niveau visuel normal attendu pour ce genre de jeu.
L’animation des visages des différents protagonistes semble avoir été retravaillée, pour donner quelque chose d’un peu plus harmonieux, mais par contre, les héros ne se ressemblent plus trop : Desmond a vraiment une sale tête, et ne se reconnait que parce qu’on sait que c’est lui, Ezio s’en sort mieux grâce à sa barbe (oui, le poil habille fort bien l’homme, le vrai).
Les animations des corps sont du même niveau que pour Assassin’s Creed: Brotherhood; c’est fluide et plutôt convaincant.
Au niveau des qualités visuelles du jeu, il n’y a pas grand chose à dire de plus, car il n’y pas de différences notables avec le reste de la saga. On retrouve l’alternance jour/nuit, et le tout reste lisible dans la plupart des cas, quelle que soit la lumière ou le moment de la journée, et l’ensemble est servi par une musique qui, même si elle ne vous marquera pas forcément, reste efficace dans ce qu’elle fait.
On notera cependant quelques bugs, comme des tapis qui la jouent « tu m’vois, tu m’vois un peu, tu m’vois plus », parfois un peu de clipping quand vous sautez de toits en toits. Ou bien Ezio qui fait de l’épilepsie en fouillant des cadavres. Ce n’est pas bien méchant, mais sur une telle licence, c’est difficilement excusable.
De plus, toute jolie soit elle, Constantinople semble bien petite et peu variée, en comparaison des villes d’Assassin’s Creed II, ou même de la Rome de Brotherhood.
Varions le gameplay :
Comme dans les opus précédents, le déroulement principal de l’histoire vous demandera de faire des suites de quêtes, aboutissant la plupart du temps à l’assassinat (ah bon ??) de quelqu’un. Dans les autres cas, il vous faudra certainement récupérer un artéfact.
Les missions alterneront entre filature, sabotage, vol, infiltration… Si il n’y a pas, à proprement parler, plusieurs façons de clore la quête, il y a bien, comme dans les autres jeux de la saga, plusieurs façons de parvenir à cette clôture : comme un bourrin, tout en finesse, par les toits, par les rues, en lançant une attaque d’assassins, comme dans Brotherhood. A ce niveau là, les joueurs ne seront clairement pas dépaysés.
La récupération d’artéfacts, quant à elle, donne lieu, tout comme pour les aventures précédentes d’Ezio, plutôt à des parcours acrobatiques dans des endroits mystérieux.
Mais, contrairement à leurs prédécesseurs, ces parcours-ci manquent cruellement de difficulté et d’originalité (et de luminosité aussi: ça va bien un moment les souterrains sombres…). On n’y cherche jamais son chemin, les rares phases à faire en temps limitées pour cause de mécanisme facétieux vous laisseront à peu près le temps de vous servir un café (après l’avoir moulu et torréfié vous-même) en plus du parcours….
Plus sérieusement, le challenge est absent, il suffit assez bêtement de suivre les prises mises bien en évidence, plus encore que dans les précédents volets (c’est dire).
Le jeu, de façon générale, parait bien plus facile, et obtenir 100% de synchronisation pour toutes les séquences ne présentera pas vraiment de challenge.
Le jeu ne se résume pas à sa trame principale, il y a, bien sûr, les petits à-côtés: reprendre des quartiers aux Templiers, recruter des assassins, les former via des missions, rénover des boutiques, des bâtiments, et réussir des « défis de faction », c’est-à-dire certaines actions, du type « empoisonner X personnes », « tuer X personnes de Y manières ».
La seule nouveauté, c’est que les courtisanes sont remplacées par des bohémiennes, mais n’ayez crainte, elles feront globalement la même chose, c’est-à-dire remuer des fesses en levant les bras pour distraire le vil soldat ennemi qui vous barre la route.
Mais non (quoi qu’effectivement les courtisanes soient remplacées par des bohémiennes), il y a quelques vraies nouveautés:
– Les bombes : Ezio peut maintenant apprendre à fabriquer un nombre invraisemblable de bombes, de la fumigène à l’ancêtre de la mine anti-personnel. Tout au long de votre périple, vous trouverez différents ingrédients, des recettes pour varier votre arsenal. Ca peut être un plus pour varier le déroulement des missions ou se sortir d’un mauvais pas, mais on peut faire tout le jeu sans jamais se servir d’une seule.
– La lame-crochet: présentée dans toutes les vidéos de gameplay depuis l’E3, elle « remplace » le double saut pour les corniches trop éloignées, permet de faire de la tyrolienne sur des câbles judicieusement placés sur les toits (et dont on se demande à quoi ils servent. Certainement que quelques autochtones ont besoin d’électricité x), et donc, de se laisser choir sur le pauvre ennemi inconscient du danger.
– La défense de vos territoires : Contrairement à Brotherhood, lorsque vous investissez un quartier, les Templiers peuvent, sous certaines conditions, le prendre d’assaut pour tenter de le récupérer (sauf quand l’une de vos recrues atteint le grade de Maitre Assassin et peut donc défendre le coin). S’ensuit alors une phase en mode « Age of Empire », pendant laquelle, coincé sur un toit, vous devez placer des assassins, des archers, des barricades, pour repousser l’ennemi. Très honnêtement, c’est amusant cinq minutes, mais pas plus, sauf si vous aimez les jeux de stratégie. Mais on achète pas Assassin’s Creed pour faire des sièges de quartiers, en principe.
De la même façon lors des missions pour vos assassins en herbe, se déroulant dans des villes du pourtour méditerranéen, vous pouvez « réclamer la cité ». En cas de succès, une fois la ville passée aux couleurs des Assassins, attendez-vous à devoir envoyer vos recrues pour la défendre, lorsque les Templiers voudront la récupérer. L’idée n’est pas mauvaise sur le papier, donnant un semblant d’impression de vie pendant que vous battez la campagne sur les traces d’Altaïr, mais, au beau milieu d’une séquence, vous n’avez pas forcément envie de courir au bureau le plus proche pour envoyer une équipe en mission… D’autant que vous n’aurez pas forcément assez d’assassins pour défendre toutes les villes en cas d’attaques simultanées.
– A chaque fois que vous rénovez un bâtiment, vous gagnez en notoriété. Vous ne pouvez donc pas arpenter joyeusement Constantinople pour dépenser vos sous, mais êtes obligés, tous les cinq bâtiments à peu près, de faire baisser votre réputation, sous peine, une fois la barre complète, de voir débarquer les Templiers dans un de vos quartiers. Alors, évidemment, ce n’est pas forcément une mauvaise idée non plus, ça parait logique qu’un quartier qui se restaure attire l’attention de l’ennemi, mais courir après un héraut entre deux boutiques, ça casse un peu le rythme.
– Desmond l’inutile (houuu, le vilain troll velu) a ses propres phases de gameplay. Sous réserve que vous ayez récupéré suffisamment de fragments d’animus dans Constantinople avec Ezio, Desmond pourra, dans l’Animus, accéder à des fragments de sa propre mémoire.
Ces phases se passent en vue subjective (mais sans voir ses bras: helloooo migraine! pour certains d’entre nous), dans des pièces aux allures à mi-chemin entre un décor feng-shui tiré de Matrix, et un décor feng-moins-shui tiré de Portal. Voilà. Et on y construit des plateformes pour arriver au bout, récupérer des emblèmes au passage pour le multijoueur, le tout en écoutant Desmond déblatérer sur son passé. Cool.
A nouveau, sur le papier, ce n’est pas une mauvaise idée : Desmond est dans le coma, il tente de se rassembler, qu’un niveau lui soit consacré quant à la résolution de ce problème (oui, c’est épineux d’avoir la psyché éclatée. C’est la base de la psychose d’ailleurs XD), soit. Mais UN seul niveau, avec une narration efficace aurait suffi, plutôt que CINQ petits, qui de plus ne nous apprennent rien.
Au niveau du gameplay, on se retrouve donc avec un jeu aussi plaisant que ses prédécesseurs, c’est fluide, c’est joli, efficace, varié. Mais là où Assassin’s Creed II avait corrigé les défauts du premier, là où Brotherhood avait prolongé le plaisir en allant un peu plus loin, Revelations semble au contraire se reposer sur ses lauriers: quelques bugs par-ci, par-là, des idées pas toujours bien réalisées, une IA parfois ridicule (oui, quand un PNJ tape dans un mur cinq ou six fois avant de réussir son saut, c’est ridicule) et des mécaniques de jeu parfois un peu incompréhensibles, comme les souterrains, permettant de se rendre plus rapidement d’un point à l’autre, mais inutilisables en cours de mémoire (« utiliser le souterrain annulera la mémoire en cours. Voulez-vous continuer? »), et incapables de garder en mémoire un marqueur personnalisé… Sans compter des temps de chargement très longs (mais ce dernier point a toujours été présent dans la saga), et la difficulté revue à la baisse.
Bref, un bon jeu, certes, car ces broutilles n’enlèvent rien au plaisir, mais laissent quand même une certaine amertume en bouche, d’autant que le côté un peu répétitif du premier semble tenter un retour ici… L’aventure principale vous occupera entre 10 et 15h, et comptez une vingtaine d’heures pour tout boucler.
Quelques mots sur le mode multijoueur:
Il ressemble beaucoup à celui de Brotherhood: 8 joueurs, une arène, tuer le plus proprement possible sans être tué, avec quelques variantes, comme la capture de drapeau. Comme tous les multijoueurs, celui-ci n’est qu’un passe-temps, efficace certes, mais sans plus, si vous voyez plutôt votre console comme un objet de jeu en solo, et que vous n’avez donc pas des hordes d’amis pour faire des sessions à plusieurs. Il n’en demeure pas moins très agréable à l’oeil, et très agréable à jouer.
Des pommes, des poires, et des scoubidous bidous aaah :
Si l’on se penche sur l’histoire à présent et bien… On reste dans la lignée des précédents: la lutte entre les Templiers et les Assassins, les pommes magiques, les dieux, la routine, en somme. On en apprend un peu plus sur Altaïr et sur Ezio, mais de là à parler de « révélations », il y a quand même une marge.
La trame qui sert « d’excuse » pour impliquer Ezio dans la vie politique de Constantinople manque un peu de saveur également. Ça se laisse suivre, mais on ne sent pas autant impliqué que face à la famille Borgia.
La fin de Brotherhood posait des questions auxquelles Revelations ne répond pas, se contentant d’être un teaser géant pour le prochain volet de la saga, et clôturant de ce fait un peu facilement le chapitre Ezio.
Ne boudons pas notre plaisir, même si certains ne seront pas entièrement convaincus, Revelations reste un bon jeu, qui ne déçoit pas (ou pas trop), malgré l’attente qu’il a pu susciter. Evidemment, il aurait pu être mieux, mais il ne fait pas honte à la saga, c’est déjà ça.
Espérons qu’Assassin’s Creed III (qui sera donc le 7ème opus… si c’est pas de la société de consommation, ça!), en changeant de protagoniste, donne un nouveau souffle à la série, qui menace quand même de s’encroûter un peu…
Images via jeuxvideo.com