Un film d’horreur avec Daniel Radcliffe, cela vous inspire-t-il ? Il n’est pas évident de se refaire une carrière quand un rôle d’une telle ampleur vous colle à la peau, Harry Potter c’est plus de dix années de succès. Mais La Dame en noir n’est pas seulement une porte de sortie pour l’acteur qui a incarné le petit sorcier, c’est également le retour par la grande porte d’un studio que l’on croyait éteint et qui avait fait la gloire d’un certain Christopher Lee et Peter Cushing. Un revival du cinéma d’épouvante et gothique à une époque où le public réclame une surenchère dans le gore, est-ce possible ? N’y passons pas par quatre chemins, La Dame en noir s’annonce comme une renaissance de la Hammer !
Arthur Kipps est un jeune notaire londonien qui élève seul son petit garçon depuis le décès de son épouse. A la mort d’une de ses clientes, Mme Drablow, Arthur se rend dans le village de Crythin Gifford pour se charger des droits de succession. Une fois sur les lieux, les habitants expriment de la méfiance vis à vis d’Arthur. Il semblerait qu’une malédiction pèse sur le village et tout particulièrement sur le manoir de la défunte.
Une histoire de fantôme vieille comme le monde ? Il est évident que le film ne se renouvelle pas par le biais de son scénario, mais il faut savoir que le film adapte le roman de Susan Hill qui était paru en 1983. Il ne s’agit pas de sa première déclinaison puisque La Dame en noir connut un passage à la télévision anglaise sous la forme d’un feuilleton et fut également transposée au théâtre. Une ancienne histoire qui a donc tout ce qu’il faut pour devenir une légende urbaine.
Il n’en fallait pas plus au studio de la Hammer pour s’approprier un titre qui collait parfaitement à leurs attentes. Fondé en 1934, le studio est l’auteur de grands succès comme la série des Dracula et des Frankenstein dont la marque de fabrique revient à son ambiance gothique, son cadre esthétique et des acteurs emblématiques. Grosse baisse de régime depuis les années 80 où l’empreinte du studio ne parvient plus à séduire face un nouveau genre populaire : le slasher. C’est en 2010 qu’il revient timidement avec le remake de Morse, Laisse moi entrer de Matt Reeves (Cloverfield) avec Chloe Moretz (Kick-Ass), dans une adaptation honnête mais qui peine à convaincre les amateurs du titre original. La Hammer n’en a pas moins un pied à l’étrier pour mettre en place La Dame en noir qui concorde bien plus à l’identité du studio.
La Hammer, contre vents et marées !
Que retient-on du studio ? Un univers gothique dont l’esthétisme nous renvoie vers une Angleterre à l’époque victorienne ? C’est une lourde empreinte que La Dame en noir tente de se réapproprier en plaçant son histoire dans une période où l’on circule couramment en chariot et en train à vapeur. Une époque qui joue sur l’élégance de ses costumes et l’authenticité des lieux. Les bâtisses de Crythin Gifford sont basses et reposent sur de lourdes pierres. Un vrai film à l’ancienne filmé en large pour mettre l’accent sur le caractère isolé du village. James Watkins, le réalisateur passe de longs moments à cadrer les lieux et donne l’impression d’octroyer une personnalité au village dans lequel les habitants semblent totalement perdus et apeurés. Il y a beaucoup de bleu à l’image, on est pris dans un endroit froid, hostile et coupé du monde.
A quelques kilomètre des habitations, le manoir Drublow se dresse au milieu des eaux. La voie devient inaccessible lorsque la marée est haute et l’endroit effraye la population convaincue qu’une malédiction s’abat sur les lieux. Il y a cette impression qu’une force surnaturelle et malveillante imprègne chaque carré de terrain et chaque bloc de pierre. Le climat est lourd, une insidieuse menace semble omniprésente que ce soit dans le manoir, au village ou par le biais de la météo. L’endroit respire le mal sur des kilomètres, le cadre ne fait clairement pas rêver.
Une histoire de manoir hanté…
Soyons limpide, ils sont deux à se tirer la couverture : Daniel Radcliffe et le manoir. S’il est évident qu’Arthur Kipps est le personnage principal, on se rend vite compte que la bâtisse de la défunte devient également la vedette de ce film qui aurait pu s’appeler Le manoir de la Dame en noir. Un soin tout particulier a été apporté à la grande maison légèrement délabrée, dont les anciens occupants cachent une sordide histoire.
La maison est évidemment spacieuse et regorge de pièces aux meubles drapés et d’objets anciens si inquiétants que l’on se demande comment Kipps peut passer une nuit à l’intérieur. Une longue partie du film se déroule ici et il s’agit d’un véritable parti pris que l’on salue. Le long-métrage de Watkins prend le temps de poser son ambiance sans précipiter les événements. Mis à part une ou deux révélations qui tombent de façon trop artificielle, le reste du film s’appuie clairement sur l’absence de vie et le danger omniprésent qui menace Arthur lorsqu’il arpente les longs couloirs du manoir.
La maison est tapissée de rouge dans toutes ses variantes et de vert au milieu d’une fondation en bois. Le manoir est la parfaite reconstitution de l’idée que l’on se fait d’un château hanté avec ses rocking chairs qui grincent, ses lustres poussiéreux imposants, les vieilles tapisseries qui se décollent et les jouets en porcelaine aux modèles si réalistes qu’ils donnent l’impression d’être vivants et de nous observer d’un coin de la chambre. Cela ne s’invente pas, mais ce sont des formules qui s’oublient au cinéma. James Watkins s’attarde à de nombreuses reprises sur tous ces éléments qui réveillent certaines angoisses.
Un solide travail de lumière accentue le sentiment d’insécurité lorsqu’Arthur avance dans les couloirs à la lueur d’une bougie vers une porte entrouverte. L’éclairage nous permet de ne jamais perdre Arthur de vue mais le cadre est incomplet et grignoté par de nombreuses zones d’ombres. Un sentiment de claustrophobie monte doucement et on s’attend toujours à voir quelque chose surgir de l’obscurité, une créature sortir de la pénombre.
Harry, fais nous peur !
La plus grande appréhension vient probablement de la présence de Daniel Radcliffe dans le rôle principal. La saga des Harry Potter se termine à peine, il n’était pas aisé pour son acteur de faire oublier un rôle qu’il aura campé durant plus de dix ans.
Tout restait donc encore à faire dans La Dame en noir, d’autant que le titre repose en partie sur sa performance. A ce sujet, on est plutôt partagé quant à la prestation de Radcliffe.
En premier lieu, Daniel Radcliffe a le même âge que son personnage et tous deux avancent sur leur vingt-deux ou vingt-trois ans. Le problème dans ce choix, c’est que par moment, il est difficilement crédible dans cette tranche d’âge, la faute à un cinéma qui nous a malheureusement habitué à vieillir naturellement les jeunes adultes physiquement. De plus, dans son cas, l’acteur est de petite taille et de petit gabarit, et lorsque l’on sort d’une épopée de huit films qui nous le présente comme l’adolescent le plus connu du monde, il est parfois difficile de s’affranchir cette image. Malgré tout, la sobriété de son jeu apporte une certaine maturité à son personnage. La caméra s’arrête de nombreuses fois sur le visage d’Arthur et on se rend bien compte lors de ces moments qu’il s’agit d’un jeune adulte brisé par la perte de sa femme.
Arthur est transporté par les événements et se retrouvent souvent passifs face à la malédiction de la femme en noir, de ce fait, le personnage continue ses explorations sans trop sourciller. Arthur est donc sujet à une peur mesurée alors qu’une personne lambda n’aurait sans doute jamais persisté de cette manière. Cela s’explique probablement par l’état mélancolique de son personnage qui le rend si peu méfiant de la mort, il n’empêche que cela est légèrement poussif…
Ainsi, Daniel Radcliffe ne marquera certainement pas les esprits par son interprétations, mais fait oublier son rôle d’Harry Potter et à ce stade, c’est déjà pas si mal !
L’horreur à la japonaise.
Souvenez-vous, il fut un temps Ring vous avait terrifié ainsi que Ju-on. C’était avant que l’industrie cinématographique asiatique s’empare totalement de ce concept pour nous le vendre à toutes les sauces. Pire encore, c’était avant que les américains prennent l’initiative d’en réaliser des remakes. A cette époque, ces films nous terrifiaient et ce, sans passer par le gore outrancier. La suggestion était au cœur du suspense, un craquement de plancher pouvait nous scotcher à notre siège et une mèche de cheveux nous faisait tourner de l’œil. Une époque révolue !
Dans sa conception de l’horreur, La Dame en noir se rapproche des films japonais en déblayant la dimension psychologique du personnage et celle des spectateurs. James Watkins va chercher la peur dans ses représentations les plus anciennes : un couloir sombre, un décor ancien, des automates bruyants, des poupées figées qui semblent pourtant prendre vie… il n’en faut pas plus pour planter la petite graine de la peur dans nos esprits. De la même manière, ces films n’écartent pas la partie émotionnelle qui appartient aux personnages. Hideo Nakata l’avait bien compris et visiblement la scénariste Jane Goldman aussi. On y retrouve un parallèle évident entre Arthur et l’héroïne de Ring.
On notera la présence de Marco Beltrami, le compositeur des Scream, à la musique pour un score qui colle très bien au film sans pourtant être marquant.
Au final, La Dame en Noir fait-il peur ? Oui… peut-être pas autant que son confrère nippon, mais le film de Watkins pose intelligemment son ambiance et mise tout sur le mal être d’Arthur ainsi que l’atmosphère pesante qui se dégage du manoir. A chaque fois que l’on avancera à petits pas entre les murs de la maison, l’inquiétude grandit pour laisser peu à peu place à une véritable angoisse. Il n’y a pas si longtemps, Insidious de James Wan usait de ce principe et s’en tirait plutôt bien avant de sombrer dans un final délirant et hors de propos. On n’échappe pas non plus à quelques scary-jump bien placés qui sont finalement des éléments indispensables pour mettre nos sens en alerte. Ce n’est absolument pas gênant dans la mesure où le film ne repose pas sur cette seule et unique formule.
Et l’intrigue dans tout ça ?
C’est certainement à ce niveau que le film pêchera puisque le scénario est d’une banalité affligeante et que les révélations à venir ne surprendront personnes. Toutefois, on se souviendra que le livre dont est tiré le film a plus de trente ans et que depuis, la formule a été maintes fois vue et revue. Quelques éléments de l’histoire sont posés et le dernier plan du film se révèle totalement dispensable, cependant James Watkins semble l’avoir compris et ne s’attarde jamais lourdement sur les détails du scénario. Le fil conducteur reste présent mais on sent une grosse volonté de la part du réalisateur de peaufiner l’ambiance et le cheminement de la peur plutôt que de mettre en valeur la trame de son intrigue. Un choix judicieux qui fait qu’au final, le film ne souffre pas de la minceur et du caractère convenu de son scénario. Un bon point à soulever cependant, le titre se suit au premier degré sans trait d’humour, ce qui est un fait de plus en plus rare.
La Hammer, James Watkins et Daniel Radcliffe. En fin de compte, ces trois noms associés nous apportent beaucoup de bonnes choses. On pouvait craindre que la Hammer ne soit trop à la traine à cause de sa longue absence, que James Watkins reste dans la terreur démonstrative comme ce fut le cas avec Eden Lake, et que Daniel Radcliffe reste figé dans le rôle d’Harry Potter, on réalise finalement que cette combinaison fonctionne et que le film parvient à se démarquer en puisant pourtant dans les vieilles formules. Il y a un goût de L’orphelinat, des Autres et de Ring dans cette Dame en noir.
Plus qu’une bonne surprise, La Dame en noir annonce le retour à l’écran d’un cinéma gothique, sérieux, effrayant et d’un grand nom : la Hammer. On n’en attendait pas autant !
La Dame en noir de James Watkins sort le 14 mars en salle.
Toutes les photos appartiennent à © 2005 Metropolitan Filmexport.
En voilà un film qui a l’air intéressant. :D
Sans compter que j’ai juste vu le 1er Harry Potter, le personnage ne m’a donc pas marqué plus que ça. Je pourrai regarder ce film sans cet à priori. ^^
En voyant la bande-annonce, j’ai immédiatement pensé à l’Orphelinat, film que je trouve sublime à de nombreux égards, notamment à cause de certains plans ( la main d’enfant contre la porte vitrée) qui sont tout à fait similaires! je suis donc très tentée d’aller le voir, merci en tout cas pour votre critique très éclairante!