Des films et des séries de zombies, on en a mangé, ces dernières années, avec du zombie rapide, du zombie lent, du zombie sous traitement médical, du zombie nazi, du zombie domestique, du zombie amoureux, et j’en passe… Il était donc assez logique qu’Hollywood s’empare de cette mode et nous propose sa version du blockbuster zombie. C’est Brad Pitt qui s’y est collé, rachetant en 2006 les droits du best-seller de Max Brooks, World War Z pour l’adapter au cinéma…
Prenez un bouquin sympa et à l’angle et la forme originaux, passez-le à la moulinette hollywoodienne, et vous obtiendrez un mégablockbuster de l’été, qui ne garde pas grand-chose du bouquin de Max Brooks, si ce n’est le titre… Attention spoilers…
La production, tout d’abord, a été assez chaotique, à cause, entre autres, de désaccords entre Brad Pitt et le réalisateur Marc Forster (Quantum of Solace). Le script a aussi été maintes fois réécrit, jusqu’au dernier moment, en plein tournage, avec réécriture en catastrophe de la fin, reshooting, rallonge du budget, sortie repoussée de six mois… Bref, la totale.
Et que reste-t-il du livre de Max Brooks, au final ? Pas grand-chose. Le titre, et le fait que le personnage principal soit un ancien membre de l’ONU. C’est assez léger. Le film abandonne les différents points de vue individuels récoltés a posteriori, une fois l’invasion maîtrisée, ainsi que l’aspect géopolitique de l’invasion zombie et ses conséquences. Au contraire, World War Z adopte une narration linéaire et suit un seul personnage en plein outbreak tout au long du film, Gerry Lane, interprété par Brad Pitt.
Un début plutôt prometteur
[quote_right]Du livre de Max Brooks, il ne reste que le titre…[/quote_right]
Le début du film n’est pourtant pas mauvais. Surtout parce qu’il rappelle l’excellent Dawn of the Dead de Zack Snyder, avec en toute première scène l’ouverture d’une porte de chambre, mais dans ce film-là ce n’est pas un zombie qui entre pour réveiller les dormeurs, mais deux petites filles qui viennent rejoindre leurs parents au lit… Le ton est donné ! On découvre la sacro-sainte petite famille parfaite américaine, avec Gerry Lane (Brad Pitt), ancien membre de l’ONU reconverti en homme au foyer qui fait des pancakes à ses filles tous les matins. Heureusement le film ne s’appesantit pas trop sur la présentation des personnages et nous passe assez rapidement à l’action.
Dès les cinq premières minutes du film, Marc Forster nous plonge dans l’ambiance avec une invasion de zombies ultra-rapide. Ca court dans tous les sens, on a du mal à distinguer les vivants des contaminés. Sauf quand ces derniers défoncent des pare-brises à coups de tête… C’est rapide, rythmé, on est vite pris dans le film, d’autant plus que ce début compte quelques bonnes idées, avec notamment un décompte à la radio pour l’arrivée d’un train, qui permet de comprendre qu’il ne faut que 12 secondes pour qu’une personne mordue se transforme en contaminé enragé…
Suivent quelques bonne scènes de pillages, puis l’organisation de la survie, dans un immeuble, jusqu’à l’évacuation de Gerry et sa famille en hélico (ben oui, il connait du monde à l’ONU, lui, pas comme les gueux qu’on laisse se faire becter par les contaminés).
Brad Pitt VS Zombies
Le film change alors de ton avec l’arrivée de la famille de Gerry dans une base militaire sur un porte-avion, sorte d’arche de Noé rassemblant les personnes « utiles ». Car pour que sa famille puisse rester saine et sauve sur la base, Gerry va devoir donner un coup de main à l’ONU pour contrer l’invasion. Notre héros américain part donc aux quatre coins du monde à la recherche du patient zéro et d’un remède, accompagné de soldats et d’un jeune scientifique dont le personnage aurait pu être intéressant s’il n’avait pas subi une des morts les plus stupides de l’histoire du cinéma au bout de quelques minutes à l’écran seulement. A partir de ce moment, c’est donc Brad Pitt VS Zombies.
Avec un scénario fourre-tout qui hésite entre plusieurs genres, le film perd en cohérence et en crédibilité au fur et à mesure du voyage de Gerry. On a droit à une grosse présence militaire pendant toute cette deuxième partie, donnant au film des allures de Call of Duty.
Dans une tentative de rester fidèle au livre, en rencontrant différents intervenants à travers le monde, se succèdent des personnages secondaires totalement anecdotiques qui sont autant de ponts permettant à Gerry de poursuivre son voyage. Certains se sacrifient pour lui (alors qu’ils ne le connaissent pas et viennent de le rencontrer), d’autres lui trouvent un avion pour fuir et poursuivre son voyage avec une facilité déconcertante alors que l’invasion éclate… On a même du mal à s’attacher à Gerry, et à ressentir un peu d’empathie pour son personnage tellement on ne le sent jamais en danger, ce qui est paradoxal en plein zombie outbreak. Certaines situations sont tellement too much et ne manqueront pas de décrocher quelques facepalms au spectateur, comme la scène de l’avion…
Mainstream et gros budget
Il faut cependant reconnaître à World War Z qu’il offre des scènes assez incroyables, notamment avec ses plans aériens très larges, qui montrent le chaos à grande échelle. Mais à trop vouloir en faire, avec son budget de près de 200 millions de dollars, le film tombe dans la surenchère d’actions et de scènes qui se veulent spectaculaires, avec les hordes de zombies qui se transforment en raz-de-marée, passent des murs de plusieurs mètres de hauteur et emportent tout sur leur passage.
[quote_left]Marc Forster nous livre des scènes incroyables de chaos à grande échelle[/quote_left]
Et une fois passés ces moments spectaculaires, et assez inédits dans le genre, il faut le reconnaître, on se retrouve devant un film de zombie aseptisé. Il n’y a que très peu de sang dans World War Z. En pleine invasion zombie. Même quand un bras est coupé à la machette pour endiguer l’infection d’un des personnages. Pas une goutte de sang. Sauf après le crash d’avion, pour lequel on a droit à une petite dizaine de gouttes… Si vous vous attendiez à du gore, vous serez déçus… Les rares massacres de zombies se font hors champ. On assiste donc à une scène très frustrante où Gerry défonce la tête d’un zombie et peine à retirer sa hache du crâne, mais tout se passe hors champ et la caméra est fixée sur Brad Pitt… Et hop, voila une classification tout public !
On sent pourtant parfois une volonté d’oser de la part du réalisateur (avec notamment une esquisse de tentative de viol) mais cette envie est bridée, certainement par les studios. Par ailleurs, la fin initialement prévue par le scénario était très différente de celle qui a été reshootée. A l’origine, l’avion de Gerry devait se poser en Russie, où on lui confisquait son téléphone (seul lien avec sa famille) et où on le forçait à nettoyer les galeries du métro de leurs occupants contaminés. Passé maître dans l’art d’éliminer les zombies, au bout de plusieurs mois, Gerry finissait par découvrir le point faible des contaminés : le froid, et s’en servait contre eux pour les éliminer. Une grande scène de bataille était aussi prévue, suite à laquelle Gerry, réussissait à joindre sa femme, devenue l’esclave sexuelle du pilote d’hélicoptère qui les sauve au tout début du film (vous aurez peut-être reconnu Matthew Fox dans ce rôle coupé au montage). Gerry partait alors à son secours avec Segen (la soldate israélienne) et un autre soldat, Simon, rencontré en Russie. Bien moins happy end que la version du film en somme… Au lieu de cela, la dernière partie du film est bien moins intéressante et bien plus convenue, plaçant Brad Pitt en sauveur de l’humanité, et nous offrant au passage un des pires placements de produits qui soit.
Malgré tout, on ne passe pas un mauvais moment devant World War Z. Le film est long (1h56) mais passe relativement vite et se laisse regarder comme un bon gros blockbuster, qui tient plus du film catastrophe que du film de zombies. Car si on fait abstraction du côté spectaculaire qui sert de cache-misère au scénario très convenu, le reste est vu et revu, est reste bien timoré dans le genre zombie, preuve qu’un budget titanesque de 200 millions d’euros ne dispense pas d’idées…
World War Z, de Marc Forster, avec Brad Pitt. Sortie le 3 juillet 2013.
Superbe critique merci ! Elle me permet de revoir mes espérances à la baisse afin de ne pas être trop déçu :)
Je sens que je vais bien rigoler devant ce film (mais peut-être aussi pleurer de désespoir)
Audrey, tu vas aussi facepalmer à foison je pense !
Au moins après avoir lu ta critique, je sais à quoi m’en tenir :p
Autant de budget pour un tel résultat. Une critique qui confirmera aisément mon peu d’envie à aller le voir …