Après une excellente journée du samedi, avec les très bons L’Étrange Couleur des Larmes de Ton Corps et Cheap Thrills, le PIFFF 2013 nous réservait une chouette nuit Stephen King, avec en ouverture la projection en avant-première du remake de Carrie, suivi de Creepshow, Pet Sematary et Christine…
Avec la sortie du remake de Carrie, la nuit Stephen King s’avérait être une évidence pour l’édition 2013 du PIFFF. Et même si le remake du film de Brian De Palma a été (comme on s’y attendait, il faut l’avouer) plutôt décevant, cette nuit blanche a été l’occasion pour la GentleTeam, de (re)découvrir des classiques du genre avec Creepshow, Christine, mais surtout l’excellent Pet Semetary et son chat diabolique… Rendez-vous donc à 22 heures au Gaumont Capucines armés de diverses boissons énergisantes, sodas, biscuits et bonbons gélatineux (mais on craint rien, car les gentilles attachées de presse nous ont distribué des Freedent pour lutter contre les Carrie, nous prouvant ainsi que nous ne sommes pas les seuls à faire des blagues douteuses sur le titre du film), pour une longue nuit !
Carrie, la vengeance
Adolescente renfermée, persécutée par ses camarades du lycée, Carrie White est élevée par une mère bigote complètement cinglée. Lorsqu’elle découvre qu’elle est douée de pouvoirs télékinésiques, Carrie va prendre sa revanche…
Carrie n’a pas pu échapper à cette mode des remakes qui viennent revisiter (à juste titre ou non) les classiques de l’horreur des années 70 et 80. L’idée de départ n’était pas si mauvaise, Carrie au bal du diable (1976), le film culte de Brian De Palma, adapté du premier roman de Stephen King, ayant relativement mal vieilli, et le choix Chloe Moretz (Kick-Ass) et Julianne Moore, sous la direction de Kimberley Pierce (Boys Don’t Cry), n’étant pas un mauvais casting.
Et les intentions étaient louables : la réalisatrice promettait non pas un remake mais plutôt une nouvelle adaptation du roman de Stephen King. Et pourtant… La seule actualisation du film semble être une mise à jour numérique, puisque les gamines du lycée filment Carrie lors de la fameuse scène de la douche durant laquelle elle est lapidée à coups de tampons… Passé cette actualisation, le film semble être une pâle copie du film de De Palma, avec quelques ajouts (la scène d’ouverture WTF, des effets spéciaux plus spectaculaires…).
Le film est formaté pour être un teen movie, ne prend aucun risque et ne provoque pas de malaise comme l’original. Exit la tension créée par le harcèlement subi par Carrie par sa mère (Julianne Moore) et par Chris (Portia Doubleday) : Carrie mate rapidement sa mère et le personnage de Chris est moins fouillé que dans le film original. La scène de massacre est plus violente (avec paradoxalement, beaucoup moins de morts) et apparaît donc bien plus gratuite que dans le film original. La prestation de Julianne Moore s’avère plus convaincante que celle de Chloe Moretz qui ne sied pas vraiment au rôle (difficile de subir la comparaison avec Sissy Spacek). On pensait également que l’un des points positifs du remake serait de nous épargner cette scène d’essayage de costards ringards et de chemises à jabots, mais on se trompait…
Carrie, la vengeance, n’est pas une nouvelle lecture du roman de Stephen mais bel et bien un remake du film de De Palma, qui n’apporte rien de nouveau, et dont la seule actualisation est de proposer un teen movie formaté, aseptisé, et sans aucune tension. Inutile, donc.
Creepshow
Après cette relecture peu glorieuse de Carrie, Fausto Fasulo, rédac chef de Mad Movies et directeur artistique du festival proclame pour tout commentaire que « la nuit peut enfin commencer… ». Et quelle nuit ! On commence avec Creepshow, référence du film à sketches horrifique, qui marque la rencontre, en 1982, de deux maîtres de l’horreur : George A. Romero à la réalisation et Stephen King au scénario. Inspiré des publications d’EC Comics, des bandes dessinées d’épouvante très populaires dans les années 50, Creepshow compile cinq histoires horrifiques traitées de manière cartoonesque, (avec des bulles, des vignettes de BD, des split screen pour les transitions, et des scènes du film carrément dessinées dans l’esprit comics).
Le film s’ouvre sur un jeune garçon, Billy, que son père punit pour ses lectures. Le père balance sa BD à la poubelle envoie son fils au lit. Une fois dans sa chambre, Billy voit son héros The Creep apparaître à la fenêtre et les histoires de sa BD prennent vie…
Creepshow, ce n’est pas seulement Romero et King, mais aussi Tom Savini aux effets spéciaux et maquillages, et un casting de choix avec, entre autres, Leslie Nielsen, Hal Holbrook, Viveca Lindford, Ted Hanson, Ed Harris et Stephen King lui-même !
Dans le premier segment, très drôle, un père tyrannique revient d’entre les morts pour massacrer sa famille et réclamer son gâteau de fête des pères. Dans le deuxième, Stephen King campe un pecnot qui victime de l’invasion d’une étrange plante verte suite à la chute d’un astéroïde dans son jardin. Quelle joie de retrouver Leslie Nielsen en méchant dans le troisième segment ! Il incarne un mari trompé qui se venge en enterrant sa femme et son amant sur la plage, ne laissant que leur tête à l’air libre, en attendant que la marrée remonte… Dans la quatrième histoire, le concierge d’une université découvre sous un escalier un mystérieuse qui renferme un monstre, enfermé là depuis des dizaines d’années… La BO de John Harrison (qui réalisera une sorte de Creepshow 3, Tales from the Darkside, en 1990) contribue également à la réussite du film, qui reste cependant un poil long (il dure près de deux heures et il faut dire aussi que la fatigue commence à se faire sentir dans la salle), le dernier segment était le moins intéressant (une sombre histoire d’invasion de cafards…). Toujours drôle et fidèle à l’esprit des comics, Creepshow a étonnamment bien vieilli, et reste une référence du genre, qui a fait plaisir aux spectateurs, ravis de voir ou revoir le film sur grand écran.
Pet Sematary
Quittant Chicago pour une petite bourgade du Maine, la famille Creed s’intalle dans une grande maison située au bord d’une route fréquentée par de nombreux camions. Non loin de la maison se trouve un cimetière pour animaux situé sur un ancien territoire indien qui possède de bien étranges vertus… Peu de temps après l’installation de la famille, Churchill, le chat, meurt écrasé par un camion. Le père décide alors de l’enterrer dans cet étrange cimetière indien…
Réalisé en 1989 par Mary Lambert, Pet Sematary (Simetierre en français) est une des meilleures adaptations de l’oeuvre de Stephen King. Souvent déçu par les films tirés de ses romans, qu’il estime trahis, l’auteur écrit lui-même le scénario de Pet Sematary. Même si, sur le papier, le projet ne semblait pas vraiment prometteur. A l’origine destiné à George Romero et avec Bruce Campbell (Evil Dead) dans le rôle principal, le film échoit finalement à la clippeuse Mary Lambert, avec un casting d’inconnus qui sent bon la série B. Mais au final, la réalisatrice signe pour son coup d’essai, un véritable coup de maître, exploit qu’elle ne réitérera malheureusement jamais par la suite.
Dès les premières minutes du film, la réalisatrice met en place une atmosphère lourde, angoissante, menaçante, servie par la diabolique musique d’Elliot Goldenthal (la BO ne relâche la tension qu’avec deux morceaux des Ramones). Avec une mise en scène classique et sans fioritures, après une longue présentation des personnages et des lieux, anxiogène, on suit la descente aux enfers de la famille, et surtout celle de Louis (Dale Midkiff), le père, avec, comme souvent dans les romans de King, l’intrusion du surnaturel dans la vie quotidienne. A la manière de Jack dans Shining, ici aussi c’est la figure paternelle qui aura un comportement de plus en plus irrationnel, jusqu’à franchir l’ultime frontière. En faisant revenir à la vie Churchill, le matou de la famille, aidé de son voisin Judson Crandall (Fred Gwynne), Louis s’enfonce dans une folie macabre qui prendra son point culminant avec le deuil que va subir la famille, qui le poussera à franchir le dernier interdit, dans une scène fortement dérangeante.
Sans besoin d’effets gore superflus, le film met à l’aise bien plus qu’il n’effraie, en questionnant le spectateur sur ses peurs, sur son rapport au deuil et à la mort, la sienne et celle de ses proches. Que ce soit le père qui refuse la mort de son fils, ou la mère qui a souhaité celle de sa sœur malade qui revient la hanter, les personnages sont tous sous le coup d’une culpabilité terrible. Le casting s’en sort finalement de manière très honorable, avec une mention spéciale pour le génial Churchill, chat revenu d’entre les morts, véritable personnage à part entière, et surtout pour le jeune Miko Hugues, qui du haut de ses trois ans passe d’ange à démon entre le début et la fin du film, avec des petits airs de Chucky bien vivant. On notera aussi un nouveau caméo de Stephen King, en prêtre cette fois.
Pet Sematary réussit à transposer l’univers de Stephen King et l’essence du roman à l’écran, pour un film culte, qui reste cependant moins connu que Shining ou Carrie. Et même si la fatigue commence à se faire sentir (le film s’est terminé vers 4 ou 5 heures du matin), on peut vous promettre qu’on n’a pas fermé l’oeil (ce qui n’est pas le cas de tout le monde…) pour profiter entièrement de ce chef d’oeuvre !
Christine
Dernier film de la soirée, et pas des moindres : Christine de John Carpenter. Alors que les transports en commun reprennent et que certains quittent la salle, nous préférons rester (somnoler ? on l’a vu plusieurs fois, on a le droit !) devant ce classique. Arnie Cunningham, souffre-douleur de son lycée, tombe littéralement amoureux d’une vieille Plymouth Fury rouge de 1957 complètement délabrée qu’il achète, répare et baptise Christine. Mais la voiture est possessive et exerce une emprise de plus en plus forte sur le jeune homme…
Un an après la sortie de Creepshow, Christine marque une nouvelle rencontre entre deux maîtres de l’horreur : Stephen King et, cette fois, John Carpenter. Pour cette adaptation, le réalisateur se concentre moins sur l’aspect horrifique, en supprimant le cadavre de l’ancien propriétaire de la voiture qui vient hanter Arnie dans le roman, pour centrer le film sur l’obsession et la sexualité. Carpenter, à cette époque-là, est lassé du gore et décide de tout miser sur la voiture, un choix qu’il regrettera par la suite, jugeant que le film « n’effraie pas ».
Carpenter centre donc Christine autour de l’obsession des hommes pour leur voiture, poussée ici à son paroxysme. Arnie est ici un personnage un rien caricatural, un ado looser à lunettes, en pleine crise d’identité et découverte de la sexualité, qui va radicalement changer au contact de Christine. Mou et passif, il change de caractère au fur et à mesure de sa relation avec la voiture : il prend de l’assurance, se rebelle contre ses parents, sort avec Leigh, la plus belle fille du lycée… Mais cette relation s’avère destructrice, Christine vampirisant son propriétaire, si bien que c’est elle qui finit par le posséder : Arnie ressemble de plus en plus à un zombie tandis que la Plymouth devient de plus en plus humaine. Les autres personnages sont tout aussi caricaturaux (Leigh, la fille jolie et populaire, Dennis, le meilleur pote d’Arnie, beau gosse, Buddy, le « bully » qui a plutôt l’air d’avoir 30 ans que 16…), car au final le personnage le plus important est bien Christine, qui s’anime la nuit pour éliminer tous ceux qui tentent de se mettre entre elle et Arnie… Sur une BO bien rock’n’roll (sur laquelle on retrouve Buddy Holly et les Rolling Stones), Carpenter filme ce massacre mécanique de manière inspirée (pas évident d’être crédible et de rendre humaine une voiture tueuse sans sombrer dans le ridicule) et les effets spéciaux sont plutôt réussis, notamment les réparations « spontanées » de la voiture après ses sorties meurtrières.
Considéré comme une œuvre mineure dans la filmographie de Carpenter, Christine n’en reste pas moins un très chouette film, qu’on revoit toujours avec plaisir, même si l’heure tardive de fin (7 heures du mat à la fin de la nuit !) a eu raison de certains…
La fin de soirée commençait en effet à se faire sortir, mais ça n’a rien gâché du plaisir de cette soirée (nuit) Stephen King.
Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir ces films au cinéma!