Alors que la perspective de voir le film sortir en salle en France est en train de s’éloigner au profit d’une sortie directement en DVD/Blu-ray, Dredd a clôturé dimanche 16 septembre la 18e édition de l’Etrange Festival. Ce reboot de l’adaptation du comic book de John Wagner et Carlos Ezquerra a pourtant plus de mérite que le film sorti en 1995.
Dans une Amérique futuriste, anarchique et irradiée, les Juges ont remplacé la police. Chargés de faire respecter la loi, ils ont le droit d’appliquer la sentence là où le crime se déroule, ce qui inclut également la mise à mort immédiate du coupable. A Mega-City One, Dredd est l’un des juges les plus efficaces, car il n’affiche aucun état d’âme et ne fait aucun compromis, exécutant les sentences au nom de la justice. Le jour où les juges accueillent Cassandra Anderson, une jeune recrue dotée d’un don de télépathie, c’est à Dredd qu’on confie son évaluation. C’est également ce jour-là que Dredd et Anderson vont se retrouver confrontés à Ma-Ma, une dangereuse criminelle à la tête de la production de Slo-Mo, la drogue à la mode dans les secteurs…
Pour beaucoup, Dredd renvoie avant tout à Judge Dredd, un film sorti en 1995 (eh oui, déjà !) mettant en scène Silvester Stallone dans le rôle du super-flic cumulant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. A l’époque, le film de Danny Cannon s’était sévèrement viandé au box office et Stallone avait même été nominé en tant que pire acteur aux Razzie Awards pour sa performance de flic bourrin à tendance vaguement nanarde. Malgré tout, Judge Dredd avait quelques qualités, notamment du côté des effets spéciaux, mais son orientation « grand public » lui enlevait pas mal de substance par rapport à l’oeuvre originale, notamment côté ultra-violence et également sur le fait que le visage de Dredd était révélé – un sacrilège pour bien des fans.
Un juge au rabais ?
On ne va pas se mentir : Dredd est loin d’être un chef d’oeuvre. Avec un budget très restreint pour un film d’action futuriste – 45 millions de dollars – le scénariste Alex Garland (28 jours plus tard) et le réalisateur Pete Travis (Angles d’Attaque) pouvaient difficilement faire des miracles. De fait, au lieu de développer concrètement la vaste mythologie de l’histoire originale, Dredd situe son intrigue dans un lieu clos et se focalise sur un évènement précis. Une démarche qui permet de proposer un divertissement efficace, mais qui réduit son scénario à une peau de chagrin : ce dernier n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui du très efficace The Raid, dans lequel des représentants des forces de l’ordre se retrouvent piégés dans un immeuble en compagnie d’un clan mafieux amateur de carnage.
Là où Dredd opte pour un choix judicieux, c’est d’introduire dans l’histoire Cassandra Anderson, un personnage important du comics qui a même eu droit à son spin-of dédié sur papier. Anderson était absente de Judge Dredd, où la touche féminine était assurée par Diane Lane dans le rôle du Juge Hershey. Interprétée par Olivia Thirlby, Anderson est une rookie bien plus vulnérable que Dredd, à laquelle le spectateur a bien plus de chance de s’identifier qu’au juge implacable. De fait, elle assure au film une certaine sensibilité – bon, ok, limitée quand même, hein – qu’il n’aurait pas eu s’il s’était uniquement focalisé sur ce bourrin de Dredd.
Dredd, un juge bien Urban
Dredd, d’ailleurs, parlons-en : beaucoup avaient crié au scandale à l’annonce de Karl Urban dans le rôle-titre. Certes, l’interprète d’Eomer dans le Seigneur des Anneaux (et de Cupidon ET Jules César dans Xena, oui oui) n’a pas la carrure de Stallone, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas crédible dans le rôle du célèbre Juge… c’est juste un autre genre.
Là encore, il faut aller droit au but : si Karl Urban fait le job correctement, un autre acteur à sa place n’aurait sans doute pas fait pire, ni mieux d’ailleurs. Car le rôle de Judge Dredd est plutôt ingrat quand il est joué correctement, c’est-à-dire en ne montrant jamais son visage… chose que Stallone, de son temps, avait fait, quitte à réaliser le sacrilège suprême. Oui, mais quand on met Stallone comme argument de vente d’un film, on a envie que tout le monde voit que c’est bien lui, alors on montre sa tête. Qui se soucie de Karl Urban, honnêtement ?
Dredd est un peu comme Bane dans The Dark Knight rises, mais en inversé : là où l’ennemi de Batman n’avait que ses yeux comme moyen d’expression, Dredd n’a que le bas de son visage… dont il se sert principalement pour tirer la gueule. Le Juge n’étant pas non plus un grand bavard, il lui reste son arme et ses poings pour imposer sa loi, et il s’en sort plutôt bien.
La carrure d’Urban n’est pas forcément un problème, dans la mesure où le film mise principalement sur le pyrotechnique et ne laisse qu’une faible part à la castagne à main nue. Un constat qui différencie Dredd de The Raid, avec lequel il partage pourtant des similitudes scénaristes : Dredd est nettement plus bourrin, plus lourd, à l’image de son artillerie. Une idée également renforcée par la musique, très présente dans le film, qui rythme les scènes avec des accords de bon gros rock.
Un divertissement aussi couillu que manichéen
Dredd va à l’essentiel : ici, pas d’intrigue mic-mac comme dans la version Stallonienne. Deux juges « gentils » face à une grande méchante – Lena Headey, toujours efficace dans les rôles de salopes castratrices – et sa bande de vilains bien moches, sales et édentés, en un mot : stéréotypés. En 1h35 de film, difficile de faire un carnage tout en creusant les personnages : Dredd ne perd donc pas de temps, plante un décor en 10 minutes montre en main et passe les 85 minutes restantes à dézinguer du méchant jusqu’à la boss de fin. de Joe Dredd, on ne sait rien, et seule une petite phrase d’Anderson au début du film laisse sous-entendre que sous le casque se cache peut-être autre chose qu’un juge impartial… mais on n’en sait jamais plus.
Si on rigole parfois face à des situations expéditives et des dialogues affichant de temps à autre une tendance nanarde – quelques punchlines efficaces parsèment quand même le tout – Dredd s’assume totalement comme un divertissement décomplexé. Plus fidèle au comics original que la version de 1995, qui fait clairement pâle figure face à cette nouvelle version, le film s’avère tout de même frustrant dans la mesure où il ne fait qu’effleurer du doigt un univers riche et complexe, qui aurait mérité d’être développé. Néanmoins, il laisse clairement une porte ouverte pour une éventuelle suite.
Conclusion : bientôt dans votre salon ?
Dredd n’est clairement pas le film de l’année, mais il reste suffisamment efficace pour être visionné lors d’une soirée sans prise de tête. Pas plus mauvais qu’un Abraham Lincoln Chasseur de Vampires ou qu’un Total Recall cuvée 2012, il mérite d’autant plus sa place dans les salles obscures : on se demande donc bien pourquoi Metropolitan semble avoir décidé de zapper sa sortie ciné en France. C’est tout du moins ce que l’on peut imaginer dans la mesure où le film est sorti en Grande-Bretagne depuis le 7 septembre et sortira aux USA le 21 septembre, sans qu’une date française n’ait été arrêtée. Selon les rumeurs, Dredd pourrait sortir en direct-to-video dans nos contrées, empêchant le public français de découvrir sa version 3D, réussie à en croire les échos d’outre-Manche. Un choix décevant pour un film dont faible budget lui assure pourtant un bon potentiel d’amortissement. Quoi qu’il en soit, le destin de Dredd est à suivre, pour peu qu’on aime le cinéma d’action décomplexé.
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