Prestigieux invité d’honneur du Comic Con Paris 2011, le bien trop rare J. Scott Campbell a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions entre deux séances de dédicaces. Au programme, Danger Girl, Danger Girl et Danger Girl… Et un peu du reste aussi ! Ou pas.
Mister Campbell, bonjour ! Danger Girl est terminé depuis 2001, 10 ans après, quelle est votre ressenti par rapport à ce comic ?
Je suis un peu sous le choc quand je me souviens que ça fait déjà 10 ans que la série est finie ! J’ai l’impression de m’être endormi et qu’une décennie s’est écoulée très rapidement. Ca me rappelle l’époque où j’étais fan de la saga Indiana Jones, et que je me plaignais de la trop longue période qui séparait les différents films. Maintenant, je comprends, d’une certaine façon, comment ce genre de chose peut arriver !
Quand on a terminé Danger Girl, j’étais très satisfait de ce que nous avions fait, et très heureux vis-à-vis de la réaction des fans. Alors je me suis dit que c’était le bon moment pour faire deux ou trois petites choses différentes, pour ensuite y revenir et commencer une nouvelle histoire. Et puis 10 années sont passées et je me suis demandé comment on a pu en arriver là ! Mais après tout ce temps, mon intention est toujours de relancer une nouvelle grande histoire à la manière de ce qu’on a déjà fait dans Danger Girl. J’ai l’idée en tête depuis près de 10 ans, mais pendant tout ce temps, j’ai eu des enfants, travaillé sur d’autres projets… la vie a repris le dessus ! Et puis je suis actuellement en train de travailler avec Marvel sur un projet autour de Spider-man, qui a été retardé pendant un long moment, et qui est enfin sur les rails. Quand j’aurai terminé avec ce travail, je serai libre à nouveau et j’aimerais beaucoup en profiter pour retourner à Danger Girl et offrir aux fans le sequel qu’ils réclament depuis de très nombreuses années.
Donc c’est certain, Danger Girl n’est pas terminé en comic book, mais peut-on espérer d’autres choses, comme un film par exemple ? C’est la mode des comics adaptés au cinéma…
En effet il en a été question, les fans le réclament d’ailleurs toujours, j’ai toujours voulu leur apporter de bonnes nouvelles à ce sujet… Nous avons eu des discussions à propos d’adaptations pendant la décennie écoulée, et nous avons parfois été à deux doigts de signer un contrat… Mais l’industrie du cinéma est tellement… J’ai appris énormément de choses en 10 ans sur l’industrie du cinéma, et il y a tellement d’étapes à franchir avant d’arriver à faire quelque chose, c’est vraiment compliqué. Vous partez de la première étape, vous avancez, et puis un évènement stoppe tout et vous devez revenir au point de départ qui vous fait revenir trois ou quatre ans en arrière. C’est un peu frustrant, mais en même temps, j’essaie de le prendre avec philosophie. La seule chose que je peux éventuellement dire, c’est qu’il y aura bel et bien un film un jour ou l’autre, mais impossible de prédire quand et sous quelle forme. Nous sommes à la merci d’Hollywood !
Avec Andy Hartnell, vous êtes allés à la rencontre des studios, vous avez rencontré des réalisateurs ?
Nous n’avons pas démarché les studios pour adapter Danger Girl au cinéma, nous sommes plutôt dans l’optique d’attendre les propositions de producteurs enthousiastes à propos de la série et qui ont des idées d’adaptation. Dans certains cas cela ne nous plait pas et ça ne va pas plus loin, mais parfois l’idée est intéressante, et dans ce cas on en discute.
Maintenant, ce qui pourrait se faire, vu que la série commence à avoir quelques années, c’est que des personnes de l’industrie qui lisaient Danger Girl quand ils étaient ados s’y intéressent aujourd’hui. Je suis convaincu que ce qui pourrait arriver de mieux pour une adaptation du comic au cinéma serait qu’elle soit réalisée par un fan. Si vous prenez un réalisateur quelconque, il ne va pas forcément s’intéresser à l’œuvre originale, il va prendre ça comme n’importe quel autre projet et l’adapter comme ça l’arrange. Alors qu’un fan qui aurait lu la bande dessinée il y a 10 ans aurait une vision plus nostalgique, et serait donc plus fidèle à l’original. C’est vraiment la façon idéale d’adapter Danger Girl en film selon moi.
Et vous avez déjà songé à des actrices pour incarner les différentes héroïnes ?
Oui ! Mais ça change chaque année vu que, comme je l’ai dit, on passe de projet en projet depuis un certain temps… Je me souviens, dans l’un des premiers projets prometteurs, on pensait que Charlize Theron ferait une super Abbey. Et puis on en a pas reparlé depuis un moment… Oh, et récemment Megan Fox m’a mentionné dans un talk show à la télé américaine, dans lequel elle disait qu’elle aime mes dessins et qu’elle est fan de Gen 13, alors je me suis dis qu’elle ferait sans doute une intéressante Sydney Savage ! Surtout parce qu’elle est fan, elle fait une candidate intéressante pour cette raison… Mais oui, vous voyez, ça change en permanence au fil des années… On en a évoqué plein d’autres, mais là j’ai un trou de mémoire (rires).
Vos personnages féminins sont très sexy, mais ce sont aussi très souvent les héroïnes de vos séries. Vous avez des anecdotes à propos de votre lectorat féminin à ce sujet ?
Quand vous mettez de tels personnages au cœur de vos histoires, la plupart des gens pensent que le lectorat se compose uniquement d’adolescents ou d’hommes plus âgés, mais souvent je leur dis qu’ils seraient vraiment surpris ! Je ne peux pas encore parler à ce titre pour la France, mais aux Etats-Unis, il y a clairement une partie de mon lectorat qui est féminin et qui réagit très positivement à des séries comme Danger Girl. Je pense que c’est parce que même si les personnages sont sexy, ce ne sont jamais des femmes-objets, elles ont de la personnalité, ce sont les héroïnes… Les gens me disent que j’ai créé des femmes fortes, mais intimement je ne pense pas que ça soit uniquement ça. Je pense que les lectrices réagissent plutôt sur le fait que les personnages ont une vraie personnalité, un vrai caractère. Sans ça, ce ne sont que des pin-up, des personnages jetables.
Dans Danger Girl, Abbey Chase et les autres sont très expressives, elles sont très réactives aux situations, elles s’énervent, rient, sourient, pleurent… Ce sont des choses qui peuvent sembler très basiques, mais il y a énormément de comics qui n’offrent pas ça à leurs personnages féminins, ils sont souvent unidimensionnels. C’était important pour moi d’offrir une véritable épaisseur aux filles de Danger Girl. Je pense vraiment que c’est pour ça que les lectrices adhèrent à cette série.
Quelles ont été vos sources d’inspirations pour les héroïnes du comic book ? Notamment pour Abbey Chase ? Elle fait un peu penser à Lara Croft…
Quand nous avons commencé Danger Girl, je ne connaissais pas Tomb Raider… En fait, je crois que nous avons commencé la série à peu près en même temps que la sortie du jeu, et que les deux on co-existé quelques temps (NDLR : le premier Tomb Raider est sorti fin 1996, Danger Girl a commencé à être édité en mars 1998) mais je n’avais pas du tout connaissance de Lara Croft quand j’ai créé Abbey Chase. Je dirai plutôt qu’elle est une combinaison de plusieurs éléments. Déjà, avec Gen 13, j’ai gagné la réputation de dessinateur de femmes sexy, et je voulais vraiment que mon projet suivant mette les femmes au centre de l’intrigue, car avec Gen 13 j’avais pris conscience que c’était quelque chose d’agréable à dessiner pour moi. Ensuite, j’ai mélangé des choses : je pense que le fait que j’aime Indiana Jones a joué, j’aime aussi les G.I. Joe des années 80 et ça a beaucoup influencé le comic book, et bien entendu, j’aime les histoires d’espionnage, James Bond, ce genre de choses. Toutes ses influences ont permis à ce projet de prendre forme et de devenir ce qu’il est de façon naturelle.
L’autre point important, c’est que je savais que je ne voulais pas en faire une histoire de super héros. Je n’ai jamais été très fan des super héros, je ne me suis jamais vraiment intéressé à eux… J’aime Spider-man bien sûr, je trouve que c’est un personnage attachant et j’ai toujours été fan, mais les autres super héros ne m’ont jamais captivé. Donc quand j’ai commencé Danger Girl, j’ai voulu faire un comic book comme je les aime. J’ai plutôt conçu ça comme un film, en fait. Je pense que les fans de cinéma peuvent se mettre à aimer les comics avec ce genre d’histoire. En fait, je dessine une bande dessinée, mais je l’imagine en film dans ma tête.
Une petite question en rapport avec l’esprit-même de notre site : vous considérez-vous comme un geek ? Par exemple, vous avez un compte Twitter sur lequel vous êtes plutôt actif, vous pensez que les réseaux sociaux sont essentiels aujourd’hui pour communiquer ? Vous jouez aux jeux vidéo ?
Alors non, je ne joue plus aux jeux vidéo, j’adorais ça mais j’ai fini par arrêter, tout simplement parce que ça me prenait trop de temps. Enfin, j’ai repris récemment en quelque sorte, parce que j’ai des jeux sur mon iPhone et c’est super quand on voyage. Mais quand je suis chez moi, je consacre mon temps à mon travail et à ma famille, je n’ai pas vraiment de temps pour les jeux vidéo… Mais j’ai quand même joué un peu à Rock Band, il y a quelques années !
Concernant Twitter, en effet, je pense que les réseaux sociaux sont quelque chose de merveilleux pour les gens comme moi, qui travaillent dans des secteurs comme la bande dessinée. Ca permet de garder un contact direct avec les fans, leur dire quand vous allez quelque part, quand les comics sortent… C’est génial, on n’avait pas ça il y a encore 10 ans, avant on devait passer par les éditeurs alors que maintenant, on peut avoir beaucoup plus de proximité avec nos fans. Quand j’étais plus jeune et collectionneur de comics, j’aurais vraiment adoré pouvoir suivre mes auteurs favoris comme ça. Maintenant, si vous aimez le travail de quelqu’un, vous n’avez qu’à le follower sur Twitter ou devenir fan sur Facebook. Je poste beaucoup sur Twitter et sur Facebook, je suis un adepte. Donc oui, je me considère comme un geek ! (rires)
Un très grand merci à J. Scott Campbell pour son temps et sa gentillesse ainsi qu’à l’agence 8 Art Média pour nous avoir permis de réaliser cette interview !
Quelques liens :
J’ai pleuré (à l’intérieur, hein, les hommes ne chouignent jamais, c’est bien connu…)
Merci pour cette mine d’infos ENORMES.