Super-héros, en voilà un job à la mode ! Kick-Ass avait remis au goût du jour la fonction de justicier du dimanche car à l’instar de Batman, les héros de maintenant n’ont pas de pouvoir mais un idéal puisé dans la culture populaire. Nul besoin de se rendre à Métropolis pour trouver un guerrier au collant saillant, car désormais un héros d’un nouveau genre peut s’établir près de chez vous à Honfleur-des-près ou Rupt-sur-bains. Super de James Gunn passe vaguement pour le Kick-Ass du pauvre avec un budget dix fois plus maigre et pourtant, lorsqu’un titre réunit sur la même pellicule Ellen Page, Kevin Bacon et Liv Tyler, on est en droit de se dire que ce film est peut-être plus qu’une simple resucée bon marché du botteur de derrières en combinaison verte. Lumière !
Frank croit en une chose dans la vie : son mariage. Le jour où sa femme le quitte pour un dealer, il décide de devenir un super-héros pour la sauver.
Si le comic Kick-Ass n’est pas le père fondateur du héros looser sans pouvoir, il n’en a pas moins popularisé le genre par le biais de son film. Super reprend aisément ce concept dans les grandes lignes mais là où son prédécesseur abordait cette problématique de façon spectaculaire, celui-ci repose essentiellement sur l’écriture. James Gunn est un scénariste reconnu à Hollywood dont le principal fait d’arme revient à sa réinterprétation de Zombie de George A. Romero. L’armée des morts, c’était lui. Amoureux d’horreur grotesque, il débute son parcours dans la maison Troma en y apportant sa plume dans le bien culte Tromeo et Juliette, et en donnant la réplique à Toxic Avenger dans le quatrième volet. Un passif qui influe grandement son premier long-métrage Horribilis, sorti en catimini dans les salles en 2006. Entre gore outrageux et série B, Horribilis est une belle réussite critique malheureusement dynamitée par un échec cuisant en salle. Il aura donc fallu attendre quatre ans avant de retrouver James Gunn derrière la caméra pour un second film.
Passé maitre dans le mélange des genres, James Gunn insuffle de multiples inspirations dans son œuvre qui se veut tout d’abord réaliste. Réaliste, Super l’est avant tout par sa direction artistique et par sa brochette de personnages dont la caractérisation n’a rien d’idéale. Alimenté par un budget anorexique (2,5 millions de dollars), Super se suit par l’intermédiaire d’une photographie claire sans artifice notable à la manière d’un documentaire. Pas de place à la rêverie, James Gunn présente les faits tels qu’ils sont. Les couleurs sont ternes, les costumes rapiécés, des personnages faibles et colériques, rien n’est épargné.
Héros atypique ou ordinaire ?
Frank est le personnage lambda que l’on croise tous les jours sans voir. Effacé et naïf, il décide de revêtir le costume de super-héros pour une seule raison : récupérer sa femme junkie qui le plaque pour un dealer. Voilà des raisons qui perdent un peu de leurs noblesses tant les motivations du personnage principal sont égoïstes. A ses côtés, une sidekick de choix, Libby, une jeune mordue de comics. Le duo se met en place et on assiste à la confection de leurs attirails. Quand on n’est pas Bruce Wayne, on fait avec les moyens du bord même si ceux-là sont particulièrement limités. Un vieux véhicule, une clé à molette, le duo Bolt use de leurs maigres moyens pour rendre justice en ville avant d’atteindre leur objectif final, la femme de Frank.
A aucun moment, Gunn ne rend envieux le sort de ses héros et pousse leur misérabilisme à leur paroxysme. Frank n’a pas de physique avantageux et travaille dans un diner. Il est renfermé, influençable et a une vision assez déviante de la justice. Il est le profil type de la personne qui n’a fait que subir tout le long de sa vie et dont les petits bonheurs qui ont parsemé son existence se sont toujours soldés en échec. Au final, sa principale motivation résulte de sa colère face à sa triste vie. Du côté de Libby, on a une adulescente dont l’esprit est totalement ravagé par ses lectures de comics. Plus enjouée que Frank, elle n’en reste pas moins déconnectée de la réalité et voit en lui, l’opportunité de réaliser tous ses fantasmes.
Quand le politiquement correct fiche le camp…
Évidemment, tout part du personnage principal dont les valeurs morales sont biaisées. Avant d’obtenir le Graal – retrouver sa femme -, Frank compte bien corriger les injustices qu’il rencontre sur son chemin sous l’identité de son alter-ego Crimson Bolt, mais ce dernier est un homme frustré qui est tout, sauf impartial. Poussé par une jeune partenaire trop immature, Crimson Bolt règle les illégalités selon ses humeurs, ses coups de sang et ses affinités. Les punitions qu’inflige Crimson Bolt se basent sur des suppositions, et une personne pourrait se faire écraser le crâne à coups répétés de clé à molette parce qu’elle lui aurait marché sur le pied sans s’excuser. Pas de demi-mesure pour un super-héros totalement transporté par ses émotions ! Et de ce fait, James Gunn ne lésine pas sur la violence graphique qui accentue la rage avec laquelle Frank frappe ses « victimes ». Pas de place pour la complaisance pour le spectateur, les gens sont battus à mort s’ils commettent le moindre écart. Dans Super, une petite impertinence verbale est aussi passible de mort qu’un acte de grand banditisme. On rit devant l’absurdité des actes de Crimson Bolt tout comme on s’inquiète de ce genre de déviances tant elles sont humaines. Ça cogne méchamment, le sang coule sous la force des coups tant ils sont portés avec violence, James Gunn n’épargne personne, chaque personnage en prend pour son grade aussi bien physiquement que moralement. Ici, pas de langue de bois ! Le sexe et la violence y ont leur place de manière tout à fait justifiée.
Un peu de lyrisme tout de même !
Si Super persiste et signe à ancrer son histoire dans un univers réaliste, le film n’en est pas moins ponctué de moments comiques et poétique. En plein doute, Frank, lobotomisé par un show éducatif chrétien, imagine un instant une rencontre avec le Divin qui prend une forme à la fois inédite et délicieuse. Une créature tentaculaire découpe le crâne de Frank afin d’apposer sa marque sur son cerveau. Une scène sortie tout droit d’un film d’horreur ou d’un mauvais hentai et pourtant, est vécu par le héros comme un moment de foi retrouvée. Dès lors il est gonflé d’espoir pour prendre sa vie en main. Une scène totalement fantasmée et incongrue qui trouve pourtant sa place dans un titre plutôt terre à terre. L’esprit humain est bien capable des pires excentricités.
Certaines séquences basculent dans le grand-guignolesque et Gunn n’hésite jamais à y appliquer des petites animations pour illustrer et emphaser quelques scènes. Les métaphores prennent vie et ne semble jamais atterrir de façon illogique. Un mélange des tons parfaitement mesuré ! On oscille entre le rire et le dégout, mais Super parviendra également à vous tirer une petite larme durant son grand final ! Du grand art !
Une équipe au taquet.
Techniquement, le film est d’une qualité remarquable et ne souffre pas de la maigreur de son budget. La réalisation est diablement dynamique et le cadrage, s’il vacille de temps à autre, tend à s’accorder avec l’esprit de son sujet. Là où James Gunn se démarque considérablement, c’est au niveau de ses textes et de sa trame scénaristique. Chaque réplique est particulièrement soignée et dégage un fort potentiel comique. Les longs monologues de Frank portent la marque des comédies dramatiques indépendantes au point qu’on ne sait jamais vraiment comment classer un tel titre. Super brasse tant de catégories qu’il en devient indéfinissable.
Question casting, c’est du haut de gamme ! Rainn Wilson (la maison des 1000 morts) incarne Frank avec beaucoup de justesse et d’ambigüité. A ses côtés, Ellen Page (Inception), Kevin Bacon (X-Men : le commencement) et Liv Tyler (Le seigneur des anneaux) sont, comme à leur habitude, irréprochables. En prime, Nathan Fillon tire son épingle du jeu en campant un showman en costume délivrant la parole de Dieu. La bande originale est quant à elle confiée à Tyler Bates (Zack Snyder, Rob Zombie) et propose, pour sa seconde collaboration avec James Gunn, quelques compositions très entrainantes, épiques et un brin enjouées. Elles interviennent lors de moments clés car Super est presque dénué de musiques. Un choix judicieux qui rendra certaines scènes mémorables.
Super souffrira malheureusement de sa comparaison avec Kick-Ass, car le temps jouant contre lui, il apparaît comme un clone fauché de l’oeuvre de Matthew Vaughn. Pourtant, au delà du postulat de base, le film de James Gunn prend un tout autre chemin, à commencer par ses prétentions. Kick-Ass brillait par sa réalisation aérienne et portait un regard idéaliste et rêveur sur le statut de super-héros. Super se présente dès lors comme un hybride de satire sociale, de série B et de comédie à l’humour noir. Gunn semble aller au bout de ses idées pour n’épargner personne et semble faire fi des exigences et restrictions commerciales. Derrière son humour, Super est d’une noirceur et d’une ironie difficiles à traiter dans le marché cinématographique dit « mainstream ». En vue de ses nombreuses qualités, le film aurait mérité une place de choix dans nos salles obscures, mais compte tenu de ses thèmes et son attitude trash, Super aurait certainement été écarté de la grande distribution. Un triste constat.
Super confirme tout le bien que l’on pensait de James Gunn, et s’élève d’ores et déjà comme un titre culte en mettant à mal l’image du super-héros. Un incontournable qui doit trouver une place sur vos étagères !
Bonus DVD / Blu-Ray
Couleur / 1H36 / français / anglais /sous-titres français / 2.35 – 16/9 compatible 4/3 /5.1 dolby digital
– Making-of (18 minutes)
– Entretien avec James Gunn et Rainn Wilson (11 minutes)
– « Fighting Crime at SXSW » (4 minutes)
– Trois bandes-annonces
Des bonus intéressants et relativement complets. Le making-of est détaillé et l’entretien répond à de nombreuses questions. Petit supplément sur « Fighting Crime » qui met en scène Crimson Bolt et Boltie pour nous délivrer des conseils de super-héros.
Super de James Gunn, en DVD / Blu-Ray depuis le 1er décembre 2011 (Initial Cuts).
Un film que j’ai raté visiblement !!
Mais disponible à la vente ! Une valeur sûre, on peut vous l’assurer !
Acheté » après avoir lu la critique, j’ai trouvé ce film… Super ♥
Enfin vu Super, j’ai adoré ! Si un jour je deviens un super-héros, je veux Ellen Page en sidekick moi aussi ! :3
Puis bonne année au passage et longue vie à Gentlegeek. :D
Bonne année Baba, et il ne manque plus qu’à faire le tour des boutiques de comics pour trouver la sidekick idéale :) (et légèrement dérangée sur les bords).