On dit que la licence des Silent Hill est en perte de vitesse depuis que son développement est confié à l’Occident. Marque que le Japon peine à suivre la cadence sur les machines HD. Shattered Memories avait donné un regain de confiance sur Wii, mais Homecoming et Origins n’ont jamais su convaincre. Pour ce dernier volet, ce sont les tchèques du studio Vatra qui s’y sont collés et on s’imagine bien qu’à passer entre toutes les mains, Silent Hill se cherche encore. HD Collection est sorti et fait de l’oeil aux fans de la première heure, mais qu’en est-il de ce Silent Hill Downpour ? Le survival horror est-il mort et enterré comme l’annoncent de nombreux joueurs ? Ce n’est pas certain… si vous vous lassez des raids à la mitrailleuse de Resident Evil Operation Raccoon City et que vous ne savez pas vers quoi vous tourner avant la réédition Wii de Project Zero 2, ce Silent Hill Downpour pourrait bien être une bonne alternative.
Si autrefois Resident Evil et Silent Hill se disputaient fièrement le marché du survival horror, force est de constater qu’aujourd’hui, les temps ont bien changé. Le premier s’oriente clairement vers un jeu d’aventure blindé d’action et teinté de quelques éléments horrifiques, tandis que le second maintient son statut de terreur psychologique se déroulant toujours dans un lieu unique et aujourd’hui emblématique. Silent Hill reste donc l’un des rares bastions du jeu d’horreur mais le risque n’est-il pas alors de tourner en rond ?
On allume la console, le jeu démarre. Premier contact : Korn ! Le changement est radical, et les puristes souffriront de découvrir les premières images du jeu sur une chanson qui ne colle malheureusement pas à l’univers que l’on connait. Loin l’idée de critiquer le groupe en question, mais il est évident que l’on se retrouve quelque peu abasourdi devant le choix du titre. Par ailleurs, la chanson ne fait qu’office de simili de présentation puisque l’introduction est confiée au compositeur Daniel Licht, que l’on connait pour son travail sur Dexter, et on ne retrouvera finalement la chanson du groupe de métal à aucun autre moment du jeu. Cela sonne étrangement opportuniste et manque cruellement de concordance. Mais peu importe, il est temps de débuter le jeu !
Les premières notes de guitares dénotent tout le talent de Licht à retrouver les sensations que l’on éprouvait lorsqu’on entendait quelques compositions de Yamaoka. Le personnage principal, Murphy Pendleton, arpente lentement les couloirs d’une prison pour gagner l’autocar qui le transfèrera vers un autre établissement. Mais c’était sans compter sur le chemin menant à Silent Hill, chemin qui réserve toujours de mauvaises surprises à ceux qui l’empruntent, et ce dernier n’y fait pas exception. Un accident survient, le véhicule dévale une pente forestière et plonge dans un marais. Lorsque Murphy reprend conscience, il est seul et cherche rapidement le moyen de s’évader en s’enfonçant dans les bois brumeux qui le conduiront aux portes de la ville maudite.
Rien de bien original à l’horizon, on commence avec un personnage dont on ne sait pas grand chose au départ qui pénètre dans la ville, car il est évidemment lié à un drame qu’il se doit de démêler s’il veut quitter les lieux.
En ligne droite, le jeu se conclue en une huitaine d’heure, et malheureusement, il peine grandement à démarrer. Durant les premiers chapitres – qui comptabilisent presque trois heures – , Murphy errera dans des sentiers boisés avant d’apercevoir la première bicoque. La ville ne sera toutefois accessible qu’après avoir utilisé un téléphérique. Jusque là, on se contentera de suivre une route relativement linéaire avec un lot d’objets à retrouver pour débloquer un mécanisme qui nous ouvrira la voie. En parallèle, l’histoire ne bougera pas d’un iota, et on nagera quelque peu dans le flou tant les révélations qui accompagnent Murphy sont tardives. Il est ainsi question, en premier lieu, de faire avancer le personnage sans qu’on ne sache grand chose de lui. Sur sa route, on retrouve quelques visages récurrents dont l’absence de subtilité fait peine à voir. La fliquette a le regard mauvais dès qu’elle pose les yeux sur Murphy, et le postier semble sortir de nulle part et n’avoir aucun impact sur notre aventure. Il y a bien évidemment quelques échanges de mots par-ci par-là, mais le manque de liant entre certains personnages secondaires instaure un décalage surprenant et finalement inutile. On est habitué à retrouver des personnalités étranges et inquiétantes liées au monde de Silent Hill ou au personnage principal, mais ici la sauce ne prend pas. La moitié de nos rencontres manque de background, et on se demande finalement ce qu’ils font là. La faute sans doute à des graphismes datés qui ne permettent aucune expression faciale à nos personnages. Au final, il est très difficile de s’attacher ou d’éprouver une quelconque empathie pour un héros à la face lisse comme de la porcelaine et au regard vague.
Sachant que la représentation de la ville est toujours liée à la psyché des personnages, il est difficile de s’émouvoir devant les réactions en carton de Murphy. Pourtant la trame en elle-même est plutôt bien tissée, dès lors qu’elle démarre à la seconde moitié du jeu. Il est étonnant que l’aspect graphique ait été si peu soigné ! On se souviendra des traits de James ou Heather qui portaient sur leurs visages et leurs épaules tout le poids du monde. C’était sur PS2 mais visuellement, c’était bien plus convaincant qu’aujourd’hui.
La texture des personnages donnent un rendu assez dégueulasse, avec une impression de jeu daté qui fait franchement honte pour un jeu supposé tourner sur une console Next Gen. Silent Hill est toujours développé en Occident, la façon d’aborder le genre du survival est donc forcément différente. Les faibles moyens se ressentent dans la qualité des graphismes, notamment une sensation désagréable de visage figé : ainsi, on fait difficilement la différence entre un Murphy impassible et un Murphy mort de peur. Dur pour l’immersion. On peut comparer avec les anciens Silent Hill, par exemple Silent Hill 2 et Silent Hill 3, dont les cinématiques sont presque plus jolies. La peur de Murphy se traduit uniquement par les nombreux cris qu’il pousse lors des phases de transformation du monde. Les textures du paysage sont vraiment tristes et laides : on ne peut s’empêcher, lors de la phase d’intro, de faire une comparaison avec Alan Wake, où les textures sont réellement soignées et ne donnent pas cette impression de poupée de cire qui brille. Animation très sommaire, comme si on jouait aux playmobiles dans Myst.
Pour rester dans les tares graphiques du jeu, on peut souligner un bestiaire indigne de la saga. Au compteur, on tournera autour de cinq ou six mobs malheureusement tous plus laids les uns que les autres. Et pas dans le bon sens du terme. C’est à se demander ce qui a pu passer par la tête du designer tant la représentation des monstres est fade. On est loin des créatures difformes à connotation sexuelle qui reflétaient l’âme torturée des anciens héros. Il est malheureux de constater qu’en guise de monstres, nous avons uniquement droit à des souillons aux cheveux sales, ou à des clochards junkies qui nous poursuivent. Le comble de la paresse se situe quand même au niveau de certains monstres, dont la monstruosité doit se traduire par le simple fait d’être transparents. Ce manque d’imagination a un impact non négligeable sur l’expérience de jeu, surtout quand on connaît la renommée initiale du titre en matière de bestiaire.
Cependant, le soft arrive tout de même à tirer son épingle du jeu en matière de décor. Même s’ils sont relativement simples, on trouve quand même des niveaux suffisamment détaillés pour donner une illusion d’univers travaillé. Et finalement, on y croit. Ainsi, on ressent du plaisir à parcourir la bibliothèque , mais le passage le plus réussi du jeu est sans conteste celui de la pièce de théâtre. Nous n’en dirons pas plus pour préserver le suspense, mais ce passage est d’une pureté poétique et surnaturelle sans équivoque, en plus d’être particulièrement oppressant. On sent également que la ville a été travaillée, tant au niveau des décors qui fourmillent de détails, qu’au niveau de l’ambiance assez bien rendue et qui reste cohérente du début à la fin. On regrette cependant que le même soin n’ait pas été apporté à la version infernale de la ville qui ( et c’est un comble ) reste totalement anecdotique.
En ce qui concerne le gameplay, les phases de combat constituent clairement le gros point noir du jeu. Nous avons deux boutons : un pour attaquer, un pour parer. Plus simple, on ne peut pas faire, et ça aurait normalement dû faciliter la prise en main. Mais c’est sans compter sur l’affreux cooldown qui a lieu entre chaque mouvement d’attaque de Murphy, avec en prime une hypra rigidité du personnage. De fait, les combats ne sont pas intéressants, mais assez contraignants et agacent plus qu’autre chose. De plus, si l’on a le malheur d’être touché ( et on vous rassure : vous l’aurez souvent. ), la caméra vole. Comprenez par là que, bien qu’étant en vue à la troisième personne, la caméra change de direction dès que vous êtes touché. Un peu comme un boxeur qui se prend un pain en pleine face et la vue virevolte à droite. La tactique est donc d’éviter les combats le plus possible, sous peine de jeter sa manette par la fenêtre : semer les poursuivants, se cacher, regarder derrière soi s’ils ne sont plus là pour pouvoir enfin progresser. Mais ce système de jeu ne contribue pas à l’ambiance pesante d’un survival horror, et s’avère juste frustrant à la longue. Fort heureusement, il est possible de modifier la difficulté des combats, option bien pratique qui permet de mieux pouvoir profiter de l’atmosphère du jeu une fois la difficulté des combats réduite. En contrepartie, augmenter la difficulté des énigmes paraît être un bon compromis. Il serait tout de même préférable de revoir totalement le système de combat de Silent Hill tant celui-ci laisse à désirer, quitte à le supprimer complètement, car il nuit grandement au plaisir de jeu. De même pour l’équipement. On ne peut porter qu’une seule arme à la fois, et désormais les matériaux se cassent au bout d’un certain temps d’utilisation. On a aussi la possibilité, totalement inutile, de balancer des cailloux ou des pavés sur les monstres. Ce qui a pour effet de les attirer directement sur vous, et d’entraîner une mort imminente si vous n’êtes pas très bon en combat. On comprend bien que le but était de favoriser l’interaction avec le décor, mais la tentative se révèle assez vaine au final.
Présentés sous forme de journal, l’inventaire et la carte sont désormais accessibles via la même interface. Il suffit de naviguer entre les différentes pages du journal pour accéder aux écrans de menus : inventaire, carte, documents, quêtes secondaires, etc.. L’inventaire quant à lui, est assez sommaire. Celui-ci est accessible en appuyant sur un simple bouton, et il suffit de faire défiler les objets présents dans l’inventaire, disposés dans une bande qui apparaît en haut de l’écran, un peu à la manière des Point & Click. La carte reste toujours aussi simpliste : le nom des lieux pour pouvoir s’orienter, des marques rouges pour indiquer les passages inaccessibles.
Petite nouveauté cependant dans Silent Hill Downpour : la transition entre les deux mondes du jeu, à savoir le monde normal et le monde horrifique, ne se fait plus de la même manière. Directement héritée de Shattered Memories, l’idée de la course poursuite lors du basculement entre les deux mondes est conservée dans Downpour. Exit les lents décollements de pans de mur avec cette impression d’arrachage de peau lancinant et absolument dégueulasse. Finie la lente torture psychologique et visuelle. La transition s’opère via une course poursuite déclenchée par un vortex. On se doute que le but de la manœuvre était de rajouter davantage de tension dans le gameplay, mais elle se révèle finalement être assez anecdotique : on se contente de courir, de se retourner pour voir où en est ce vilain vortex qui nous poursuit et nous aspire de l’énergie si on reste trop proche. Il faut ajouter à cela que Murphy n’est pas particulièrement maniable, ce qui s’avère assez pénible durant ses phases de course poursuite.
Parlons de l’histoire du jeu. Elle aurait pu être intéressante, mais elle n’est pas très bien traitée. On nous oriente vers un fragment de scénario durant un temps pour finalement nous emmener ailleurs. Le procédé en soi est plutôt bien pensé, mais là où le bât blesse, ce sont les personnages. Murphy ne semble pas plus effrayé que ça de voir un monde basculer du tout au tout. Il se contente de courir et de lâcher un » What the hell ? » poussif. Là où Harry, Heather où même James semblaient complètement décontenancés et apeurés au contact du terrible monde de Silent Hill, Murphy ne sourcille pas. Difficile donc pour le joueur d’adhérer lorsque le personnage qu’il contrôle ne semble pas céder à la panique. Cette impression de non-peur est quand même un comble pour un survival-horror. La trame en elle-même se tient, quoique pas spécialement originale. Elle bénéficie cependant d’un petit twist qui pourrait faire son petit effet selon les sensibilités de chacun. Les personnages qui interagissent avec Murphy restent assez classiques pour leur part, ce qui confère au titre une sensation de déjà-vu. A se demander ce qui pourrait encore nous surprendre aujourd’hui dans l’histoire de Silent Hill ? Le ressenti général nous laisse donc avec une histoire qui ne se révèle pas spécialement passionnante, mais qui se tient en dépit d’un démarrage assez lent.
Au bout de 3-4 heures de jeu néanmoins, le jeu commence à trouver ses marques. Il faut noter que dans cet opus, la ville de Silent Hill est désormais un monde ouvert. On peut donc se balader à loisir dans la ville maléfique, ce qui est un plus non négligeable pour l’immersion. Il y a cependant pas mal de maisons fermées au public ( satanées planches de bois ! ), mais il y a suffisamment de maisons accessibles pour nous laisser une illusion de liberté. Ce choix plaira sûrement aux joueurs naturellement curieux qui aiment fouiner ça et là. On appréciera également la possibilité d’en apprendre plus sur les habitants de la ville, par le biais de quêtes secondaires / mini quêtes. Vous aurez ainsi l’occasion de tomber sur des journaux ou des documents relatant le passé de la ville-fantôme et de certains habitants. Bien que dispensable, ce petit bonus renforce tout de même le sentiment d’immersion et a le mérite de rallonger la durée de vie du soft.
Au final, malgré cette désagréable impression de rupture avec l’esprit des premiers opus de la série, Silent Hill Downpour bénéficie d’une ambiance bien travaillée. Bien que souffrant de nombreux défauts, le jeu a son lot de moments de frayeur et remplit quand même son office. Il n’est pas rare de sursauter, ou de se sentir oppressé durant certains passages du jeu et c’est quand même bien ce que l’on attend d’un survival horror à la base.
Tout à fait d’accord avec ta critique. Et les monstres qui ressemble à des clodos, c’est tout à fait ça. XD (ensuite, les « monstres » de « Condemned » était des clodos… mais ce jeu faisait peur, lui. XD)
Quant aux missions secondaires (et la ville ouverte), elles sont pour ma part la véritable force de cet opus, surtout que certaines sont juste excellentes, c’est même sans doute la seule chose dans ce jeu qui a un peu joué avec mes émotions. Certaines m’ont bien troublé et certains concepts m’ont beaucoup plu. Mais pour le coup, elles m’ont bien plus happé que l’histoire principale du jeu. Comme je craignais de louper quelque chose, j’ai sciemment mis le fil conducteur de côté pour me consacrer à ces « bonus ».
Donc, je ne sais pas si c’est vraiment un point positif. Autant je préfère les jeux avec un poil de liberté, autant j’aurai préfèré de Silent Hill qu’il reste une prison, me forçant à suivre la ligne et ainsi me sentir un minimum oppressé. Parce que là, à force de multiplier les choses à faire dans le jeu, le scénar s’en est juste retrouvé plus dilué et donc moins oppressant.