Dishonored fait partie des jeux qui se font attendre. Vous savez, ces petits jeux prometteurs qui émoustillent le petit garçon / la petite fille qui vit en vous, qui vous font tellement rêver que vous seriez prêts à sacrifier des chatons pour l’essayer… Ces mêmes jeux qui n’ont pas intérêt à se louper sous peine de susciter une haine destructrice légendaire de la part des joueurs du monde entier. Après une campagne marketing tonitruante, le jeu a enfin débarqué chez nous le 9 octobre dernier, avec 3 petits jours d’avance. Pas de place au suspens : la promesse est tenue, Dishonored est une vraie réussite !
Pour rappel, Dishonored est le nouveau bébé du studio Arkane, à qui l’on doit déjà Arx Fatalis et Dark Messiah of Might and Magic, deux jeux plutôt réussis. Arkane a passé la vitesse supérieure en se faisant racheter par Bethesda Softworks (The Elder Scrolls, Fallout, des amateurs quoi). Après l’abandon de l’intriguant projet The Crossing, le studio revient en force avec un jeu inspiré plutôt rafraîchissant. Dishonored nous plonge dans la ville de Dunwall, une sorte de Londres steampunk dans une Angleterre industrielle en version totalitaire. Un univers au croisement de Sherlock Holmes, 1984 et Moby Dick (pour les baleines :x)… La ville possède une industrie florissante, grâce à l’exploitation de l’huile de baleine, nouvelle source d’énergie. Malheureusement, cette croissance grisâtre qui sent la pollution et l’exploitation des faibles est gâchée par une épidémie majeure de peste, façon 1358. De retour de mission diplomatique, Lord Corvo, Protecteur de l’impératrice, voit cette dernière se faire tuer et se retrouve accusé du meurtre et condamné à mort. Sauf que le destin, incarné par des opposants au régime du Régent, mais surtout par le mystérieux Outsider, en décide autrement… Même si le pitch est classique, l’univers attire l’œil. Tout a été pensé : des religions, des conflits, des intrigues politiques, une technologie parallèle… Le travail effectué pour donner une consistance à Dunwall est palpable dans chaque aspect du jeu !
Dunwall, ton univers impitoyable…
Le risque pour un jeu qui propose une uchronie, c’est de se trouver face à une coquille vide, un prétexte pas réaliste. Heureusement, Dishonored offre un univers très riche. Le background est très travaillé et détaillé. C’est d’autant plus agréable qu’il n’est pas offert comme ça, en introduction. On le découvre au fur et à mesure de nos missions à Dunwall, au travers de discussions, de livres, d’affiches ou même de tags désespérés. Toute proportion gardée, Dishonored peut rappeler Skyrim sur ce point, en offrant un monde riche avec une histoire, un passé, une personnalité. Cela contribue grandement à l’ambiance sinistre qui se dégage du jeu. Par exemple, une balade sur un toit peut vous faire tomber par hasard dans un appartement dont tous les occupants sont morts. Glauquissime. En enquêtant, on trouve une note sous forme de journal intime : une mère de famille maintenant décédée y décrit la peste dont étaient victimes son mari et ses enfants, et sa fuite face au gouvernement répressif qui isole les malades (voire pire). On est direct à fond dedans ! L’ensemble est très vivant : les quartiers sont habités par des rats, des habitants au look patibulaire, des malades mourants de la peste… Le design des personnages est original et très convaincant. Ce n’est pas réaliste, ça penche vers le comic bien dark. En tout cas, on est face à un jeu qui a son propre cachet. Techniquement, le jeu n’est pas ultra impressionnant, les textures sont parfois un peu brouillonnes et un horrible aliasing vient massacrer les plans larges sur la ville. Fort heureusement, l’inventivité de la création graphique nous rend indulgent comme des bisounours face à ces petits soucis. On fait un saut de l’ange vers cet univers : rien que de se balader dans les quartiers de la ville, écouter les discussions, rencontrer des personnages atypiques, vaut le pleinement le détour. Arkane ne s’est pas foutu de nous : jouer à Dishonored est une vraie expérience.
Un gameplay mortel
Pour Dishonored, on parle de jeux vidéo et non de cinéma ou de séries TV. L’univers ne fait pas tout. Fort heureusement, le jeu d’Arkane vous offrira une expérience de jeu très sympathique. Sans être révolutionnaire, le gameplay tire le meilleur de ses inspirations. Et elles sont nombreuses et de qualité ! Thief : the Dark project, Deus Ex, Bioshock, Metal Gear Solid, Assassin’s Creed et même les Elder Scrolls, on retrouve un délicieux mélange de tout ça dans Dishonored. A mi-chemin entre le RPG, le FPS ou le jeu d’infiltration, Dishonored offre au joueur le luxe de choisir son approche : ultra bourrine ou très discrète. Il se joue en vue subjective uniquement. Seules les deux mains du héros apparaissent à l’écran. Sur la droite, Corvo dispose d’une épée qui lui permet d’attaquer, mais aussi de parer ou de déséquilibrer l’adversaire. Rien que cette foutue main droite permet de s’éclater dans des duels au sabre très tranchants. Pour la main gauche, on a le choix : pouvoirs divers, offerts par l’Outsider, que l’on peut améliorer grâce à des runes trouvées ça et là ou en récompense des quêtes secondaires, ou armes variées. Il y a du choix ! Heureusement, on s’y retrouve très facilement grâce à un menu bien pensé et facile d’accès qui permet de jongler facilement entre les sorts, avec même une possibilité d’attribuer des raccourcis bien pratiques. Cette interface aussi simple qu’efficace contribue largement à la réussite d’un gameplay basé sur la créativité. Il est en effet possible d’associer différents sorts et armes pour mettre à mort les adversaires de manière originale et efficace, ou tout simplement pour passer inaperçu. Chaque situation propose plusieurs solutions qui ne ménageront pas vos méninges : à vous de trouver la meilleure manière de vous débarrasser de vos adversaires, en évitant de vous faire repérer… ou pas ! Car il est possible de foncer dans le tas et de jouer les gros bourrins ultra destructeurs. Mais attention, le challenge sera alors très relevé car les ennemis sont plutôt costauds et ne vous manqueront pas. Il existe donc une infinité de manière de jouer à Dishonored, on ne s’ennuie pas du tout et ce n’est pas répétitif. Jamais. Et quoi qu’il arrive, vos skills et votre cerveau sont stimulés. Arkane respecte les joueurs, pour notre plus grand plaisir !
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Pas ouvert, mais loin d’être fermé
Ce gameplay aux petits oignons est magnifié par un level design vraiment réussi. Petite déception : Dishonored ne propose pas de monde ouvert. Vous ne pourrez pas arpenter Dunwall comme Ezio à Florence. Un quartier du jeu sert de camp de base, à la manière du Nexus de Demon’s Souls, puis vous êtes transportés dans une dans une « zone » de jeu avec son quartier, son univers et ses spécificités pour chaque mission. Pas de panique néanmoins, les zones sont extrêmement riches et loin d’être minables. Les différents quartiers foisonnent de vies et de possibilités. La rejouabilité est énorme car chaque quartier, chaque maison, chaque recoins regorgent de cachettes en tous genres, de passages à emprunter, de scènes à découvrir. A vous de jongler entre vos différents pouvoirs pour trouver la meilleure façon d’évoluer dans ces environnements qui stimuleront votre imagination et votre sens de l’observation sans arrêt. Il faut également souligner la verticalité du level design : il y a autant de choses à voir en haut (et en bas !) qu’au niveau de la rue. Et comme il y a beaucoup de choses à trouver (runes, charmes d’os), c’est une vraie invitation à la découverte !
Pro-life ou pro-choice ?
Dishonored est un jeu qui offre énormément de liberté au joueur. On peut choisir sa façon de jouer, d’arpenter la ville, de tuer… ou pas ! A vous de déterminer si votre Corvo est un gentil protecteur cherchant la Justice ou un vengeur sanguinaire massacrant tout sur son passage. Le bébé d’Arkane propose aux joueurs différents challenges. Il est tout à fait possible de finir le jeu sans tuer personne. C’est franchement compliqué mais très gratifiant, d’autant plus que vos cibles peuvent subir un sort bien plus amer -loin de votre couteau dans la gorge- si vous savez jouer. A l’opposée, vous pouvez dégommer tout ce qui passe devant vous. Mais vous devrez en subir les conséquences. Un comportement malsain entrainera une ville malsaine, avec notamment une prolifération des rats. Ces gentilles petites bêtes porteuses de Peste peuvent se montrer particulièrement hargneuses lorsqu’elles se regroupent. Les rats peuvent dévorer des gardes, vous débarrasser rapidement de cadavres gênants… ou vous attaquer ! Outre les impacts sur le gameplay, le comportement du joueur aura une incidence directe sur le scenario, notamment la fin. Pas de choix de dialogue à la Mass Effect ou Dragon Age, ici ce sont vos actes qui comptent. D’où la possibilité de rejouer encore et encore pour découvrir toutes les façons de jouer et les différents arcs scénaristiques. Quelques quêtes annexes sont également proposées aux joueurs. Vous découvrirez alors des personnages hauts en couleur voire particulièrement sinistres (Mamie Chiffon…). Un détour agréable à ne pas louper pour savourer plus longtemps cet univers, car si certains ont critiqué la faible longueur du jeu, les différents challenges proposés augmenteront sensiblement la durée de vie. Bon courage pour finir le jeu sans vous faire repérer !
Le jeu d’Arkane studio se révèle à la hauteur de l’attente ! L’univers que nous avons pu découvrir dans les nombreuses vidéos promotionnelles est encore plus riche que l’on imaginait. Le travail des concepteurs est vraiment de très bonne qualité. Pour couronner le tout, le jeu est sympa grâce à un gameplay réussi, inspiré par ce qui fait de mieux dans le monde du jeu vidéo au sens large. Et oui, les AAA sont encore là ! Dishonored est la preuve que les créateurs de jeux vidéo doivent prendre des risques pour toujours imaginer de nouveaux mondes, des gameplay innovants, de nouvelles saveurs. Les joueurs seront sans doute demandeurs d’une nouvelle aventure dans cet univers, mais on espère sincèrement que les équipes d’Arkane sauront éviter une repompe du concept jusqu’à la moelle… Vue la qualité du travail de Bethesda sur la licence Elder Scroll, on image que c’est possible !
Test réalisé sur PS3. Sur PC, c’est évidemment plus joli et en plus, le joueur dispose de nombreux raccourcis permettant d’être plus réactif et encore plus sadique. Miam !