Plutôt connu chez nous pour son documentaire choc sur McDonald’s, Super Size Me, Morgan Spurlock a pourtant réalisé en 2011 un documentaire fascinant sur l’univers du Comic Con de San Diego et sur une galerie de fans qui s’y rendent pour réaliser leurs rêves. Un docu qui sortira en DVD chez Bac Films le 17 juillet prochain, mais qui a été diffusé en avant-première au Comic Con Paris 2013. Rencontre avec le réalisateur Morgan Spurlock et le producteur du film Jeremy Chilnick.
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Bonjour Morgan, Comic-Con Episode IV : A Fan’s Hope est très différent de vos travaux précédents. Comment est née cette idée de film ?
Morgan Spurlock : Généralement, une nouvelle idée de film nous apparaît quand on lit un livre, ou un journal. Pour celui-ci, c’est différent. On travaillait pour Fox TV sur l’épisode spécial du 20e anniversaire des Simpson. J’ai toujours voulu visiter le Comic Con de San Diego, je n’y étais jamais allé. Quand on a eu ce boulot, j’ai tout de suite pensé « On va au Comic Con ! On va au Comic Con et on va rencontrer les plus gros fans de Simpson, car si on veut voir les fans les plus acharnés, c’est l’endroit où il faut aller ! » Donc là-bas, on a rencontré des gens vraiment passionnés par les comics, les films, les jeux vidéo, les séries télévisés… Le vendredi, nous avons rencontré Stan Lee et c’est là que l’idée de ce film a germé.
Et de votre côté Jeremy, qu’est-ce qui vous a poussé à produire le film de Morgan ?
Jeremy Chilnick : Je travaille avec Morgan depuis maintenant 9 ans, donc je produis quasiment tous ses projets. Quand on était au Comic-Con, on sentait tout de suite une ambiance particulière qu’on a voulu retranscrire dans le film. Les gens ont tous l’air super heureux, ils vivent parmi tout ce qu’ils aiment. C’est assez unique et on pense que l’événement mérite qu’on fasse un film.
Morgan Spurlock : C’est vraiment une Geektopia, ou le Nerdvana *rires*.
Comment avez-vous choisi les gens que l’on voit dans votre film ?
[quote_left] »Nous avons reçu 3000 candidatures venant de tous les continents. »[/quote_left]Morgan Spurlock : On a fait un vrai casting, on a contacté des magasins de comics partout dans le monde, mais aussi des sites de collectionneurs, de cosplayers. Harry Knowles, qui produit aussi le film, nous a beaucoup aidé en publiant des news sur sa mailing list… On a pu trouver les gens que nous cherchions, des collectionneurs, des artistes, des cosplayers. On a fait une check list de tous ceux qui représentent le public du Comic-Con. Les gens ont commencé à envoyer des cassettes, on en a reçu plus de 3000 provenant de partout dans le monde : l’Amérique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Asie, l’Europe, l’Afrique, tous les continents.. sauf l’Antarctique ! On a ensuite sélectionné les 7 personnes que l’on voit dans le film.
Pourtant, dans votre film, les 7 personnes présentées semblent toutes américaines ?
Morgan Spurlock : Non, Elodia, la fan de Cosplay vient des Philippines. On avait aussi un couple de Colombiens que nous avons suivi mais finalement, ils ne sont pas dans le film. Ils lançaient leur propre comics et leur maison d’édition. Malheureusement, la femme n’a pas pu venir accompagnée de son mari car il n’a pas obtenu de visa. C’était plutôt le projet du mari et sa femme l’aidait donc l’histoire tombait un peu à l’eau puisqu’il n’a pas pu être là. On a quand même suivi la femme, elle faisait beaucoup de choses pour promouvoir leur entreprise mais ce n’était vraiment pas pareil. On a donc décidé de les retirer du montage.
Ce que j’aime dans votre film, c’est qu’il présente le début de nombreuses belles histoires, notamment celle d’Holly Conrad, la designer et fan de Mass Effect. Vous avez un peu contribué au lancement de son histoire. C’est plutôt chouette non ?
Morgan Spurlock : C’est vrai que c’est assez incroyable. Ce film a permis de lancer de vrais talents et Holly Conrad en est définitivement un. Nous avons pu capturer ce moment incroyable où elle passe du garage dans lequel elle travaille au statut d’artiste reconnue. En y repensant, ça me donne des frissons ! C’était la première personne que nous avions choisi pour le documentaire. Elle nous a envoyé une vidéo où elle construisait la tête de son costume de Krogan, dans son garage. Elle nous montrait son travail sur l’électronique, qui permettait de faire bouger et cligner les yeux. J’ai trouvé ça incroyable.
J’ai envoyé la vidéo aux co-producteurs en leur disant que c’était le genre de personne que je voulais dans le film. Elle a également posté sa vidéo sur youtube. Au moment où elle nous l’a envoyée, elle n’avait qu’une centaine de visiteurs. En une semaine, ça s’est transformé en milliers ! Elle avait vraiment quelque chose de spécial. J’ai été sensible au fait qu’elle représente vraiment bien le Comic-Con. Elle est très passionnée par ce qu’elle fait, elle a ça en elle et veut en faire sa carrière. C’est une très bonne chose de la voir passer du statut de personne qui fabrique des costumes dans son garage pour le loisir à une vraie professionnelle.
Est-ce que vous avez des nouvelles fraîches des autres personnes qui ont participé au film, le soldat notamment ?
Morgan Spurlock : Eric a travaillé pour Marvel, et aussi pour Image. Il est toujours dans l’US Air Force mais il a été promu ! Capitaine ou lieutenant, je ne sais plus. En tout cas, il continue de dessiner des Comics le soir. Il est vraiment, vraiment doué. C’est une légende !
Et pour les autres ?
Morgan Spurlock : Skip travaille sur son roman graphique. Il édite lui-même son propre livre. Il devrait être prêt à l’heure où je vous parle. James et Se Young se sont mariés. Kevin Smith n’a pas célébré le mariage mais ils se sont mariés quand même ! Anthony continue sa collection, il a toujours sa cave remplie de jouets. Chuck a déménagé sa boutique pour s’installer dans une plus grande. C’est d’ailleurs l’un des plus grand magasin de comics au monde. Il a finalement vendu The Red Raven #1 aux enchères pour plus de 500 000$.
Pourquoi avez-vous choisi de ne pas apparaître dans votre film ?
Morgan Spurlock : je suis un super geek et cet univers me parle. J’ai grandi avec les jeux vidéo, les films d’horreur… Ce sont les choses qui m’ont construit en tant qu’individu. Mais l’histoire n’était pas à propos de moi et de mon escapade au Comic-Con. Même si j’adore y aller, je pense qu’il y a des gens qui y vont pour des raisons plus importantes que moi. Ils viennent avec leurs travaux, des portfolios pour essayer de démarrer une carrière. Chuck vend des comics depuis des années, venir au Comic-Con est une partie très importante de son boulot. Ces gens-là ont de vrais histoires, c’est plus intéressant de les montrer que moi en train de flâner à la convention.
En France, les geeks ne sont pas encore très bien vus par les médias les plus importants. Comment sont-ils perçus aux USA ?
Morgan Spurlock : C’est super cool d’être un geek. Le monde a complètement changé ! Les gars qui se cachaient dans la cave de leur mère pour jouer à la console, travailler sur l’ordinateur ou lire des comics font maintenant les plus gros films du monde, dirigent les plus grosses sociétés de la planète. Ils ont transcendé leur côté nerd pour devenir les personnes les plus influentes et puissantes dan l’économie ou l’entertainment. Maintenant, si tu n’aimes pas quelque chose qui appartient à la culture geek, tu es bizarre, un peu exclu.
Finalement, on a l’impression que votre film porte plus sur le thème de la passion que sur le Comic-Con en lui-même…
Jeremy Chilnick : Le Comic-Con est juste un prétexte qui permet aux gens d’accomplir leurs rêves. C’est pour ça que le film se concentre davantage sur les personnages, qui se retrouvent dans cet endroit, où toutes ces choses arrivent. C’est absolument un film qui parle des passions. Aller au Comic-Con est une vraie expérience, surtout si tu aimes la culture geek, que tu as grandi avec.
Morgan Spurlock : Je suis totalement d’accord !
[quote_right] »Le Comic-Con est juste un prétexte qui permet aux gens d’accomplir leurs rêves. »[/quote_right]Dans vos films précédents, vous abordiez souvent les thématiques financières autour des différents phénomènes étudiés. Etiez-vous intéressé par l’aspect financier du Comic-Con ?
Morgan Spurlock : On en a parlé un petit peu. Dans le film Joss Whedon parle du fait que les geeks peuvent être une source importante de revenus. C’est une culture avec des gens très impliqués, faciles à cibler, des fans loyaux qui pourraient acheter n’importe quoi du moment que c’est associé à la série TV ou au jeu vidéo qu’ils aiment. Les fans ont énormément de valeur. Mais ils peuvent aussi rapidement se détourner s’ils jugent que les produits qu’on leur propose ne sont pas authentiques, s’ils n’adhèrent pas à ce qu’on leur vend.
Quand vous êtes un geek, vous achetez des produits qui vous passionnent même si vous n’avez pas les moyens. Il y a un côté assez innocent.
Morgan Spurlock : Je suis totalement d’accord, je viens de dépenser 1000€ au Comic-Con de Paris en un claquement de doigts. *rires*
Quels sont vos prochains projets ?
Morgan Spurlock : on travaille sur un show TV pour CNN qui s’appelle « Inside Man« . On y parle de différents problèmes qui existent aux USA : des armes, de la marijuana, de la sécurité sociale, de l’éducation, de l’immigration et tous ces sujets d’actualité. J’essaye de m’immerger dans l’histoire, c’est pour ça que l’émission s’appelle Inside Man. A l’exact opposé, nous sommes en train de finaliser un film à Londres, « This is us », qui parle du groupe One Direction. Il sort en août. C’est un documentaire de 65 mn accompagné de 25 mn de concert.
Ca me rappelle le titre du film sur Michael Jackson, « This is it » !
Morgan Spurlock : Je vous assure que Michael Jackson ne sera pas dans ce film ! *rires*
Merci !
Un grand merci à Morgan Spurlock et Jeremy Chilnick pour leur temps, et à l’organisation du Comic Con pour avoir rendu cette rencontre possible.
Notre critique de Comic-Con Episode IV: A Fan’s Hope sera disponible très bientôt sur GentleGeek. Traduction réalisée par Russ, photo de couverture par Audrey.
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