Après une journée un peu plus calme, la GentleTeam repartait de plus belle en ce mercredi 11 septembre pour vivre l’une de ses meilleures journées de festival ! Au programme, 5 films, dont de très très bonnes surprises, Blue Ruin, et Tore Tanzt en tête.
Blood Diner
Premier film de la journée, et pas des moindres : Blood Diner (1987), de Jackie Kong, avec un pitch complètement débile mais génial : George et Michael voient leur oncle, un serial killer adepte du culte de la déesse Sheetar, se faire tuer par des policiers dans leur jardin. Vingt ans plus tard, ils décident de déterrer le bonhomme pour placer son cerveau (encore intact, bien sur !) dans un bocal et suivre ses instructions pour mettre en œuvre son plan diabolique… Il va donc leur falloir découper des vierges et des catins pour faire un patchwork de morceaux de filles pour créer un corps qui accueillera l’incarnation de la déesse Sheetar…
Nanar très peu connu mais cultissime, Blood Diner tient toutes ses promesses, et même plus encore ! Dans la lignée des productions Troma, c’est cheap, kitsch, mal joué, la VF est calamiteuse, l’humour gras et outrancier (blagues sexistes, racistes et homophobes au rendez-vous), le faux sang coule par hectolitres, les filles sont peu vêtues (mention spéciale au cours de fitness topless…).
Pur chef d’œuvre de mauvais goût cinématographique comme seules les années 80 ont su nous offrir, Blood Diner est un vrai bijou de série Z, à ranger dans les plaisirs coupables !
Blue Ruin
Changement de registre avec Blue Ruin, dernier film de Jérémy Saulnier, dont on avait déjà vu le fun et potache Murder Party quelques jours plus tôt. Ici, rien à voir avec son premier film, l’ambiance est bien plus lourde et sérieuse. Dwight, un vagabond, est averti que l’homme qui a tué ses parents s’apprête à être libéré de prison. Il se met en chasse pour se venger, mais devient bien vite la cible de la famille de celui dont il s’est vengé…
Avec Blue Ruin, Jérémy Saulnier livre une réflexion sur l’effet domino de la vengeance, la loi du talion et le port d’armes aux États-Unis. Le réalisateur joue ici avec les ellipses, mélange les registres, parvient à faire rire, malgré un sujet et une interprétation grave et réaliste. Macon Blair est excellent dans son rôle de clochard barbu et taciturne (il ne prononce pas un seul mot pendant le premier quart d’heure du film), de mec lambda lancé dans une épopée vengeresse. Très juste dans ce personnage de fils détruit, entre tristesse et colère, on ne peut qu’éprouver de la compassion, malgré les actes qu’il commet.
Avec une mise en scène sans artifice, minimaliste et totalement maîtrisée, Jérémy Saulnier déroule ici un film remarquable, bien plus mature que son précédent.
El Santos vs la Tetona Mendoza
Pendant ce temps, une folie furieuse déboulait avec El Santos vs la Tetona Mendoza. Derrière ce film d’animation Mexicain se cachent Alejandro Lozano et Andres Couturier, qui adaptent ici une bande dessinée à succès du Mexique. Et dès les premiers instants, c’est un tourbillon de folie pure qui déboule et qui ne s’arrêtera qu’après 1h40 de film ! Dans un monde où les zombies cohabitent avec les humains et autres créatures, El Santos décide de redorer le blason de ces bouffeurs de chair fraiche méprisés par la société. Mais face aux conséquences inattendues de ce changement dans l’opinion, El Santos se voit contraint par son ex, une strip-teaseuse à la poitrine démesurée qu’il espère bien reconquérir, de réparer son erreur. Mais son rival El Peyote est aussi sur les rangs.
Disons le tout net : El Santos, c’est pas les bisounours ! Film à l’humour trash et scato, El Santos surprend par l’originalité de son histoire : plutôt qu’une simple histoire de zombies, le film se révèle un mélange complètement bordélique mais joyeusement foutraque mélangeant les références les plus improbables : si les films de zombies sont pour partie une inspiration, on y retrouve aussi des passages inspirés de films de SF post-apo, en passant par des détournements de films sur la Shoah mâtinée de parodies hilarantes d’Olive & Tom et The longest Yard, le tout avec l’intervention régulière d’une crotte qui parle doublée par Guillermo Del Toro ! Un film barré, totalement WTF, auquel on ne s’attendait pas.
Tore Tanzt
Mais comme si cela ne suffisait pas, c’est une autre claque du festival que nous nous apprêtions à prendre en pleine poire avec Tore Tanzt (Tore danse). Introduit par sa réalisatrice, Katrin Gebbe, celle-ci avait conclu son intervention en indiquant qu’il était dommage que la séance ne soit pas suivie d’un débat. Le président du Festival, Frédéric Temps, avait lui aussi prévenu que le film risquait de mettre mal à l’aise. Sa projection au festival de Cannes avait d’ailleurs fait l’objet de vives réactions. Nous comprendrons pourquoi ensuite.
Car Tore est un adolescent particulier. Membre du groupe Jesus Freaks, il ne jure que par Dieu et lui dévoue sa vie et toute sa conduite. Mais lorsqu’il rencontre Benno et emménage avec sa famille, sa foi se retrouve mise à rude épreuve par cet homme moins innocent qu’il n’y parait. Partant de ce postulat, on pourrait facilement imaginer quelques chemins possibles pour ce film, mais la réalisatrice à choisi une autre voix, de celles qui soulèveront des questions une fois le dénouement amené. Car derrière son image très soignée, et son rythme posé, et sa réalisation la encore sans artifice, Tore Tanzt laissera un arrière goût poisseux. Non pas en raison d’une violence graphique, mais avant tout psychologique qui passe par le maintien absolu des lignes de conduite de chaque personnage, transformant Tore en antihéros pur de par les choix qu’il fera où ce qu’il acceptera de subir face à ce démon humain.
Sans être spécialement violent à l’écran, Tore Tanzt n’est ni prosélyte, ni anti-religieux et filme froidement, mais élégamment ses personnages sans partis pris, laissant le spectateur seul face à sa conscience et sa révulsion. Le film parvient surtout à créé un indicible malaise dans son audience, une boule au ventre qui se ressent surtout vers la fin du film et laisse amer. Un film qui gagne en puissance à mesure que les minutes s’égraine, pour laisser le spectateur dans sa situation d’inconfort face à ce à quoi il vient d’assister.
Big Bad Wolves
La soirée s’est conclue avec Big Bad Wolves, un thriller en compétition venu – c’est assez rare pour être souligné – d’Israël. Réalisé par Aharon Khesales et Navot Papushado, Big Bad Wolves est la deuxième réalisation du tandem après Rabies, en 2010. Cette fois-ci, les deux réalisateurs livrent un film très efficace, sobre, et ne tombant jamais dans l’extravagance ou l’outrancier compte tenu de son sujet.
Le premier suspect de crimes pédophiles est relâché suite à une bavure policière et par manque de preuves. Convaincus de sa culpabilité, le flic chargé de l’enquête – écarté du dossier – et le père de la dernière victimes décident de le séquestrer afin de lui soutirer des aveux. Partant d’un sujet grave (la pédophilie et le prix des erreurs policières), Big Bad Wolves prend le temps d’installer son contexte avant d’offrir dans sa seconde partie un huis-clos sombre. Résultat, ce sont toutes les certitudes du spectateur qui vacillent, tant chaque personnage reste engoncé dans ses positions, les uns persuadés de la culpabilité d’un homme, malgré l’absence de preuve, l’autre criant encore et encore son innocence, malgré les tortures.
Film noir sans être oppressant, distillant ça et là des références aux contes de fées (mais rarement ostensibles), Big Bad Wolves se permet même d’aérer son propos par quelques saillies d’humour, ni trop lourdes, ni trop légères, qui offrent même un certain degré de réflexion, par exemple sur les relations israélo-palestiniennes. Un film savamment dosé donc, à défaut d’être le plus original qui soit, mais qui se révèle prenant et délivre un final brut, fidèle à la logique des personnages, mais ô combien pessimiste et sans espoir…
Une excellente journée de festival !
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