Vilipendé par les fans dès l’annonce du projet, le remake de Robocop, réalisé par le Brésilien José Padilha, s’apprête à sortir dans les salles françaises. Voir Alex Murphy reprendre du service dans un nouveau costume (noir, sur les affiches promotionnelles, hérésie !) a suffi à faire hurler les fans du film culte réalisé par Paul Verhoeven en 1987. Avaient-ils raison de craindre ce nouveau Robocop ? Attention, spoiler : oui.
En 2028, le conglomérat industriel OCP, OmniCorp, domine le marché mondial de la technologie robotique, avec notamment des drones dans les zones sensibles du monde, afin d’y maintenir la paix. La seule limite à la toute-puissance de la compagnie est le marché américain, qui lui est inaccessible pour le moment. Afin de conquérir ce nouveau marché OmniCorp veut construire un nouveau prototype mi-robot, mi-humain, afin de convaincre les Américains, qui ne veulent pas que leur sécurité soit assurée par des robots sans libre-arbitre. Alors qu’OCP cherche un cobaye pour ce nouveau projet, Alex Murphy, archétype du flic juste et droit et du bon père de famille, est blessé, brûlé et mutilé dans l’explosion de sa voiture par des malfrats, ce qui fait de lui le candidat parfait pour devenir Robocop…
Confié au réalisateur brésilien José Padilha, à qui l’on doit Troupe d’Elite, ce Robocop représente à peu près tout ce que les fans détestent dans un remake. Au-delà de l’idée de remake en elle-même.
Ici la vacuité du propos se fait sentir dès les premières minutes. Si en 1987 Verhoeven s’affairait à dénoncer les travers d’une Amérique consumériste et corrompue, la portée politique et satirique du remake est assez limitée. Sous couvert d’une critique de l’impérialisme américain et de l’ingérence dans les pays du Moyen-Orient, la caution politique du film est lourdement appuyée par un Samuel L. Jackson en présentateur vedette de sa propre émission utlra-partisane. Ou comment passer de la satire à la caricature…
Robocop se prend les pieds dans sa propre histoire et ses incongruités scénaristiques (mais quelle idée de faire une mise à jour de Robocop et de lui implanter toutes les archives criminelles, en images, de la ville de Detroit, 5 minutes avant sa première apparition publique) et perd son spectateur, qui est loin de se sentir aussi impliqué que dans le film original.
Dans sa volonté, louable au demeurant, de s’éloigner de l’original pour ne pas livrer un remake plan par plan, ce Robocop 2.0 prend le film de Verhoven à rebours et, au lieu d’un homme-robot qui redécouvre peu à peu son humanité au fur et à mesure des flashbacks et des rencontres qui lui font retrouver la mémoire, on a ici un héros qui perd petit à petit son aspect humain au fil des « réglages » de ses créateurs.
Bien moins touchant sur son prédécesseur, ce Robocop-là en fait trop. Trop dans l’étalage de la cellule familiale, destiné à faire pleurer dans les chaumières. Ici la famille de Murphy est très (trop ?) présente, alors que dans l’original, tout le monde le croit mort, ce qui en fait un vrai héros tragique pour lequel on peut avoir de l’empathie au fur et à mesure qu’il se souvient de sa famille et de son ancienne vie.
Trop aussi dans ces scènes d’action (l’abus de shaky cam est dangereux pour la santé), en vue subjective, qui tiennent plus du jeu vidéo et du FPS, où une débauche de cartouches sont tirées, sans avoir pour autant un dixième de l’hémoglobine et du gore de l’original (classement PG13 oblige !). Ce film-là est donc bien plus politiquement correct, la ville de Detroit n’y est pas un lieu de chaos, même si les scènes de combat restent du grand spectacle.
Concernant le nouveau look de Robocop, certains le compareront à Iron Man et son Iron Patriot, ou au Batman de Nolan, avec sa moto. En tout cas ce Robocop 2.0 tient plus du super-héros que du robot à la démarche mécanique de Verhoeven, mais il faut bien vivre avec son temps…
Côté casting, Gary Oldman tire son épingle du jeu, apportant un peu de sincérité et de crédibilité dans équipe assez transparente, la faute à des rôles clichés et peu profonds, car le casting aligne quand même de beaux noms. Outre le méconnu Joel Kinnaman dans le rôle éponyme, on retrouve Abbie Cornish (Sucker Punch), Michael Keaton, Samuel L. Jackson, Jackie Earle Haley… mais là encore c’est un problème d’écriture plus que d’interprétation. Jamais le méchant du film ne fait frémir (mais ceci est peut-être dû à la trop grande ressemblance de Michael Keaton avec Julien Lepers ?). Bref, on est loin de Kurtwood Smith dans le rôle de Clarence Boddicker…
Tout n’est pas à jeter non plus dans ce remake, même si le film aurait gagné à être un rien plus court… Pas sûr que la réhabilitation de dernière minute du costume gris de RoboCop, la reprise du thème de l’original et quelques clins d’œil appuyés au film de Verhoven suffisent à convaincre les fans… Car ce remake, même s’il s’agit davantage d’un reboot, n’en reste pas moins aseptisé et se prend très au sérieux, là où le cinéaste néerlandais prenait du recul avec quelques fausses pubs cyniques et des scènes franchement drôles (la chute d’ED 209 dans les escaliers).
Les nouvelles générations verront certainement dans ce film un bon film d’action accompagné d’un discours politique, voire une modernisation de Robocop, dont certains aspects ont certes vieilli depuis 1987 (aaah les années 80 et leurs coupes de cheveux et tenues improbables !). Toujours est-il que ce remake n’atteint jamais le même potentiel dramatique et thématique que son prédécesseur, en étant plus aseptisé, plus propre, et pas vraiment subtil. Davantage reboot que remake, ce Robocop 2.0 se laisse regarder comme un bon gros divertissement de deux heures, un film pop corn aussi vite oublié qui aura au moins eu le mérite de provoquer la sortie d’un coffret BluRay collector du Robocop de Verhoeven en édition limitée…
Robocop, de José Padilha, sortie le 5 février 2014.