Un an après le démentiel Why don’t you play in hell, qui avait emballé le public de l’étrange festival en 2013, Sono Sion était de retour au Festival avec sa nouvelle production : Tokyo Tribe. Attendu avec impatience, ce nouveau projet adapté d’un manga de Santa Inoue risquait d’en déstabiliser plus d’un.
Habitué de l’Etrange Festival, qui a fortement contribué à faire découvrir le réalisateur chez nous, Sono Sion – que nous avons rencontré (lire notre interview ici) – était présent pour présenter le successeur de Why don’t you play in hell, qui avait raflé un prix du public mérité. Forcément attendu de pied ferme, Sono Sion n’a pourtant pas choisi la facilité, puisque Tokyo Tribe n’est autre qu’une adaptation de manga…. en forme de comédie musicale rap japonaise !
Un choix assez radical qui ne sera pas forcément du goût de tous et dont on savait de ce simple fait que l’accueil serait moins unanime, et en même temps un parti pris intriguant. Pari réussi ?
Sono en stéréo
Dans un Tokyo futuriste, une immense guerre des gangs fait rage et divise la ville en clans qui veulent imposer leurs règles. À la tête de deux bandes, deux anciens amis rivalisent et les rancœurs et sentiments personnels viennent se mêler aux affrontements des hommes dans un chaos toujours grandissant.
Pas facile de s’y retrouver à première vue entre tous ces personnages. Et pourtant, au cour d’une introduction impressionnante, Sono Sion rassure : au prix d’un plan séquence parfaitement maîtrisé, Sono Sion parvient à introduire sans difficulté les différents gangs et à les identifier clairement, chacun ayant un style de rap bien différent.
[quote_left]Sono Sion parvient à happer son auditoire dans un tourbillon de flow[/quote_left]Si on pouvait craindre que le côté rap japonais ne suscite pas forcément l’adhésion, un petit miracle s’opère pourtant : dès les premières notes à coup de grand mère scratcheuse, Sono Sion parvient à happer son auditoire dans un tourbillon de flow sans jamais le perdre en cours de route. Phrasé lent pour la narration, plus rapide pour les scènes d’actions ou moment forts, la variété des styles proposés fait qu’à aucun moment, un sentiment de répétition de la musique ne se ressent. Novice ou non, pas d’importance : le style peut rebuter, mais Sono Sion parvient à faire tomber cette barrière pour peu qu’on accepte de se laisser entrainer.
[quote_left]la bande son du film se révèle particulièrement efficace[/quote_left]Composée par le groupe BCMG, la bande son du film se révèle particulièrement efficace et rentrera dans votre tête lors de certains passages, y compris pour certains qui ne sont pas afficionados de rap ! De plus, l’humour omniprésent du film – notamment la cause totalement absurde de la rivalité entre les deux personnages principaux – ou encore des passages complètement WTF et des scènes d’actions ultra pêchues permettent de contrebalancer l’omniprésence de la musique et de se raccrocher à des scènes pour ceux que la musique pourrait rebuter. La combinaison des deux est cependant imparable : un rythme effréné du début à la fin, pour un film sans temps mort (ou si peu).
[quote_right]le réalisateur de Guilty of Romance fait preuve d’une aisance déconcertante, et livre l’un de ses films les plus fluides en terme de réalisation[/quote_right]Pour autant, si Tokyo Tribe est une comédie musicale déjantée, Sono Sion traite son film avec sérieux. Epaulé par le chef opérateur Daisuke Soma (Miss Zombie) et du décorateur Yuji Hayashida (Big man japan, Crows Zero), Tokyo tribe bénéficie d’une image et de décors somptueux, sans parler de la réalisation toujours impeccable de Sono Sion. Travelling, plans séquences, cadrages, le réalisateur de Guilty of Romance fait preuve d’une aisance déconcertante, et livre l’un de ses films les plus fluides en terme de réalisation.
Bien sur, avec un tel projet, et après l’unanimité généré par son précédent métrage, on s’attendait à ce que nouveau long remporte un peu moins d’adhésion. Et il faut dire que le style musical adapté et le projet ne lui permettront pas de faire l’unanimité. Le désavantage étant également que la lecture des sous-titre, nécessaire pour saisir le sens des paroles, ne permet pas toujours de s’immerger complètement dans le film. Mais passé la surprise, et pour peu que l’on réussisse à se laisser entraîner dans cet univers chaotique, c’est une comédie d’une maestria certaine qui s’offrira alors au spectateur.
[styled_box title= »Un film rappé, comme le fromage ! » class= »sb_orange »]Après son succès de 2013, Sono Sion pouvait difficilement faire mieux. Mais heureusement, le réalisateur japonais montre qu’avec Tokyo Tribe, il n’a rien perdu de sa hargne et de sa maîtrise, et gagne même en fluidité et en maitrise, se révélant toujours aussi précis mais moins tape à l’oeil dans sa réalisation. Si le film peut diviser, ce n’est en tout cas certainement pas en raison de sa qualité, mais bien d’un univers et d’un style comédie musicale qui soit vous attrape dès le départ, soit vous laissera sur le carreau. Pour autant, Tokyo Tribe se veut une totale réussite, un film dynamique et dynamité à la BO hyper énergique pour peu qu’on se laisse happer par ses sonorités peu habituelles. [/styled_box]