L’année passée, Orphan Black avait réussi, avec sa seconde saison, à transformer l’essai : les qualités de la première étaient toujours présentes, et la série parvenait à étendre son univers, sa mythologie et à faire évoluer ses personnages, le tout en les respectant et respectant aussi ses spectateurs.
La quasi-perfection, en somme.
Il y a dix jours s’achevait la troisième saison : la série parvient-elle à maintenir son niveau de qualité ?
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A la fin de la seconde saison, nous avions laissé les clones (et leurs alliés) dans des situations un brin tendues : Helena vendue par Mrs. S pour sauver Kira et Sarah, Cosima au bord de la mort, Rachel borgne, Delphine exilée en Allemagne…
Seule Alison s’en sortait bien, contente de faire repartir la flamme de son mariage. En enterrant un corps dans son garage.
De plus, les clones devaient toujours faire face à Dyad, mais aussi au Projet Castor, désormais.
Allaient-elles gérer le stress ? Les clones mâles seraient-ils gentils ? Sarah allait-elle retrouver Helena ? Cosima allait-elle survivre ?
Tellement de questions, tellement de stress !
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D’ailleurs, en parlant de stress, le premier épisode de la saison reprend presqu’exactement là où finissait la saison précédente, et ne ménage pas ses efforts pour faire monter la tension : dans le rythme, dans les rebondissements, dans les situations, dans les relations… On est immédiatement remis dans le bain, avec pertes, fracas, manipulations et stratégies secrètes. Et une scène d’ouverture absolument géniale.
Cette nouvelle saison s’appuie encore et toujours sur les éléments positifs des saisons précédentes : des personnages un minimum fouillés (et donc potentiellement attachants, même quand ce sont de petites crevures), des révélations qui pour la plupart n’arrivent pas de nulle part, un rythme assez efficace, sachant alterner entre tension, action, et scènes plus posées qui permettent de développer les personnages.
Les personnages quant à eux continuent d’évoluer : Mrs. S s’ouvre un peu, Sarah apprend à faire confiance et Felix révèle qu’il peut avoir une part un peu plus sombre.
Même Scott prend de l’ampleur.
Avec tous les personnages désormais présents, inévitablement, seuls certains tirent réellement leur épingle du jeu. Cette saison, il s’agit d’Helena et Delphine.
Helena, captive en début de saison, qui se sent une nouvelle fois trahie, se lance dans une introspection symbolisée à l’écran par un dialogue entre notre sauvage préférée et un scorpion imaginaire (doublé par Tatiana Maslany, car on a jamais assez de Maslany dans sa vie). Ces scènes sont tellement… Helena, dans leur absurdité, dans leur naïveté, c’est grinçant et délicieux.
Mais surtout, elles permettent de comprendre ce qui se passe dans la tête du clone le moins stable du groupe : ses angoisses, ses mécanismes de survie, ses sentiments, et de mieux saisir son évolution.
Delphine de son côté est poussée dans ses retranchements par la situation au sein de Dyad : elle veut à tout prix protéger Cosima et ses sœurs, mais doit gérer Topside (si vous ne vous souvenez plus, Topside, c’est ceux qui dirigent Dyad), Dyad, les recherches pour le traitement de Cosima, les mensonges et manigances des uns et des autres, Sarah qui n’en fait qu’à sa tête (Sarah quoi… Qui évolue sur plein de choses, mais clairement pas ce point précis x), Cosima qui fait n’importe quoi…
Elle est donc obligée de jouer un jeu dangereux et manipulateur, et nous fait voir son personnage sous un jour nettement plus sombre : jusqu’où est-elle prête à aller pour tenir la promesse faite à Cosima dans la saison précédente d’aimer tous les clones de la même façon ? *dun dun DUUUUUN*
Mais s’il y a des gagnantes, il y a aussi des perdants cette saison. Ou du moins, des « pas tout à fait gagnants ».
Art pour commencer. Ce pauvre détective Bell est relégué au rang de figurant, et on a vaguement l’impression que les scénaristes ne savent pas trop quoi faire de lui. Il est vrai que l’intrigue n’a plus vraiment besoin de la police, mais du coup, les apparitions du détective paraissent toujours un peu artificielles.
Le Projet Castor de son côté, ne laisse pas non plus un souvenir impérissable. Entendons-nous bien : que des gens clonent des bonhommes dans un univers où d’autres gens ont cloné des femmes, c’est complètement logique, et même attendu. Que l’armée s’en mêle pour tenter de trouver une application militaire à ces clones, cela fait tout autant sens.
Ce n’est donc pas l’existence de Castor qui est à remettre en question, mais bien la façon dont il est traité. Ari Millen fait un travail honnête pour interpréter les différents clones, mais la série prend finalement assez peu le temps de nous les faire découvrir. Elle s’attache surtout à Rudy (un bon gros psychopathe des fourrés) et à Mark (vous savez, le gars un peu flippant qui était chez les Proléthéens), mais n’arrive pas totalement nous faire sentir le tragique de leur situation. De plus, le temps qu’on apprenne ce que recouvre réellement le Projet Castor, PLOUP, la série passe à autre chose.
C’est certainement lié au format, puisque chaque saison ne comporte que dix épisodes, mais au final, toute cette partie manque un peu de profondeur : y en a trop ou pas assez.
Cosima a elle aussi quelques soucis : quelqu’un lui a mangé ses neurones au début de la saison, et ne les lui rend qu’à la fin. C’est fâcheux, surtout qu’elle est censée être l’intellectuelle du groupe, mais elle se contente de faire du rien pendant dix épisodes. Et d’ailleurs il vaut mieux, puisque chaque fois qu’elle fait quelque chose, ça se retourne contre elle (vu qu’elle a perdu ses neurones, si vous avez suivi).
Surtout, ce qui est assez incompréhensible, c’est que la série ne nous donne pas tellement de justifications à son comportement : d’un coup d’un seul elle arrête de faire confiance à Delphine parce que… ? Ben parce que.
On a en plus un drama lesbien parfaitement inintéressant, puisqu’une certaine Shay (Ksenia Solo) vient faire les yeux doux (et plus si affinités) à Cosima.
Le problème ne vient pas tellement du triangle amoureux, mais de la façon dont il est traité : Delphine a des raisons d’agir comme elle le fait, mais Cosima est en mode YOLO, et Shay n’est pas vraiment développée. Du coup, malgré tout l’amour qu’on peut porter à Ksenia Solo (et à Tatiana Maslany), cette partie de l’intrigue n’est pas vraiment palpitante.
Il y a également le cas Alison.
Alison a toujours été un clone un peu à part, puisque dès le début, elle fait tout pour échapper à l’intrigue principale. Dans la première saison, elle essaie autant que possible de laisser la clonespiration de côté, et de mener une vie normale. Dans la seconde, elle est en désintox, mais reste liée à Dyad par son mari (qui était encore son moniteur).
Dans cette saison, tous ces problèmes étant réglés, elle mène sa vie de son côté. Alors oui, le duo Donnie-Alison offre toujours de grands moments, et c’est drôle, mais quand Sarah, Helena et compagnie tentent de trouver un remède à la maladie respiratoire qui tue les clones et en même temps d’échapper à Castor, la pertinence de l’intrigue d’Alison pose question : un trafic de drogue pour financer une candidature au conseil d’administration de l’école, vraiment ?
Un peu de la même façon, les rebondissements et révélations de la saison n’atteignent pas tous le même degré de qualité. Certains sont surprenants tout en restant logiques dans l’univers, ce qu’on attend d’un bon rebondissement. Certains sont un peu à la limite : ils ne sont pas complètement parachutés, mais ajoutent un côté « oh, que le monde est petit ! » qui pourra rebuter quelques spectateurs. D’autres enfin font appel à des ficelles un peu grosses pour ménager la surprise, et ça n’est pas digne d’une série comme Orphan Black.
Enfin, certains problèmes trouvent des résolutions étonnamment faciles. Il est évident qu’en dix épisodes, il est difficile de faire traîner bien longtemps, mais peut-être aurait-on pu ôter du temps chez Alison et sa campagne hallucinée pour développer un peu quelques points.
L’épisode final est riche en rebondissements et révélations, recadre les enjeux, et prépare les personnages pour la saison prochaine. Ça sent le drame et la tourmente.
Cet épisode trolle également les spectateurs. Vaguement.
Et là, subitement, Cosima récupère ses neurones, s’excuse, et lui roule la pelle la plus romantique de la série dans une scène toute mignonne. Et tout ça pour quoi ? Pour que Delphine se prenne une balle dans le ventre dans un parking souterrain le plan d’après ? VRAIMENT ?[/spoiler]
Néanmoins, malgré ces défauts, la série a le bon goût de garder ses points forts (le jeu des acteurs, le rythme, l’humour, l’émotion, de nouveaux clones), continue de ne pas prendre ses spectateurs pour des idiots, à quelques exceptions près, et recentre son intrigue dans le final, histoire de repartir sur de bonnes bases pour la quatrième saison.
En revanche, quatre saisons, ce n’est pas rien, et les créateurs devront surmonter quelques obstacles l’année prochaine : que faire d’Helena ? Que faire d’Alison ? Comment garder le spectateur accroché avec encore et toujours cette même trame de complot, surtout maintenant que l’on a eu de nombreuses explications ?
Réponse en avril 2016….