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Comment remettre au goût du jour le bon vieux thème du paradoxe temporel sans tomber dans la redite et les éternels clichés ? Une problématique que Looper prend à bras le corps, à travers l’histoire d’un tueur à gages poussé par la force des choses à se traquer lui-même. A mi-chemin entre action, science-fiction et réflexion, la nouvelle réalisation de Rian Johnson a de la suite dans les idées. Mais chut…

Les Etats-Unis en 2042. Le voyage dans le temps n’a pas encore été inventé, mais ce n’est qu’une question d’année avant que l’homme développe cette technologie : trente ans plus tard, les cartels mafieux exploitent le voyage dans temps pour faire exécuter les témoins gênant dans le passé, là où il est si facile de faire disparaître le corps de quelqu’un que personne ne pourra reconnaître. Joe est un Looper, un tueur à gages spécialisé dans l’exécution de « gens du futur ». Il se rend à une heure précise sur le lieu de leur apparition et, une fois que la silhouette encapuchonnée arrive face à lui, il tire un unique coup de fusil et récupère son salaire sur le cadavre anonyme : une routine simple et qui rapporte, dont Joe se satisfait parfaitement. Mais un jour, son nouveau contrat arrive le visage à découvert, et Joe le reconnait : il s’agit de lui-même…

Dès les premières minutes, Looper plante le décor : on est certes dans le futur, mais le monde n’a finalement pas beaucoup évolué de notre époque actuelle. Seuls quelques éléments technologiques trahissent le côté futuriste d’un environnement sombre, cadre, et passablement violent. La pauvreté côtoie les voitures grand luxe et la mafia règne en maître sur la ville : on se croirait presque dans un polar des années 50. Oui, mais non, car le voyage dans le temps et le paradoxe temporel qu’il entraîne forcément sont bel et bien au coeur de l’intrigue.

Oui oui, c’est bien Joseph Gordon-Levitt.

 

De Looper, on ne peut pas dire grand-chose au risque de trop en dévoiler, mais disons tout de même que le film offre une profondeur plutôt inattendue : la bande-annonce a tendance à présenter un condensé d’action, une traque effrénée entre le jeune Joe (interprété par un Joseph Gordon-Levitt méconnaissable) et le vieux Joe (Bruce Willis, toujours efficace, mais qui commence à accuser son âge). Mais en définitive, ce n’est pas vraiment le sujet du film, pas totalement tout du moins : Looper, c’est avant tout le parcours initiatique d’un homme qui refuse de devenir ce qu’il est pourtant devenu. Le film suit deux rythmes, celui d’un Joe jeune, qui se retrouve petit à petit en quête de rédemption, et celui d’un Joe vieillissant qui n’a plus rien à perdre, et qui cherche à se venger.

Un bon coup de Barjavel

Le paramètre qui sépare Looper d’un film noir « basique » est la thématique du voyage temporel, aspect fondamental de sa composante SF. Comme beaucoup d’oeuvre exploitant ce sujet – Retour vers le Futur, au pif – Looper fait penser au Voyageur imprudent de René Barjavel sur de nombreux aspects, notamment sur la question du paradoxe temporel : l’arrivée du vieux Joe dans le passé ainsi que sa fuite changent le futur du jeune Joe, qui doit tuer son lui du futur pour survivre dans le présent. Voilà qui complexifie grandement l’intrigue, qui prend le temps de mettre en avant le champ des possibles. Néanmoins, cet aspect est traité de manière relativement légère, et le spectateur est invité ou non à réfléchir sur la question – et sur bien d’autres qui interpellent une fois le film terminé. Contrairement à ce que son titre pourrait faire croire, Looper n’est pas un film « en boucle » à l’image de l’excellent Source Code de Duncan Jones. La seule boucle qui compte, c’est celle que Joe doit boucler en se tuant lui-même.

L’effet Looper : après et avant !

 

Mais là réside uniquement l’histoire du jeune Joe : et si celle du vieux Joe comptait encore plus ? Pour ménager surprise et suspense, cette question ne sera pas abordée  : elle ne l’est d’ailleurs pas du tout dans le trailer du film, et il y a une raison évidente à cela.

Un film qui casse des Brick

Convaincant côté histoire même s’il n’évite pas quelques maladresses entraînées par le sujet lui-même – forcément, quand on réfléchit au champ des possibles, quelques éventualités non prises en compte sautent aux yeux – Looper l’est aussi côté mise en scène. Rian Johnson, le réalisateur de Brick – déjà avec Gordon-Levitt – et d’Une Arnaque presque parfaite soigne grandement son entrée dans l’univers de la science-fiction… en ne mettant tout simplement pas en scène son film comme un film de SF. Sur sa forme, Looper est avant tout un film de gangsters, et il se démarque grandement de son fond qui est, lui, une pure réflexion de science-fiction. Et c’est tant mieux, parce que Johnson en profite pour montrer des choses que l’on n’aurait pas pu voir dans un déluge d’effets spéciaux et pyrotechniques.

Emily Blunt ressemble un peu à Lorie dans Walking Dead la série. Sauf qu’on a pas envie de la baffer, ELLE

 

Saluons également le casting efficace qui, outre les deux « premiers rôles », cache d’excellentes surprises : une, en particulier, que personne n’attend, prend forcément aux tripes. Mais une fois encore, mieux vaut ne pas trop en dire.

Plus qu’un long-métrage de SF où ça pétarade à tout va, Looper est un film sur le regret, la rédemption, la fatalité et l’espoir. Rian Johnson évite soigneusement tous les écueils qui auraient pu faire du titre une énième série B dans une année qui en est saturée, et rassure quand à l’avenir du cinéma de science-fiction : il a encore plein de belles choses à dire et à raconter. Ouf. A découvrir en salle le 31 octobre.

Yippee-kai-ay style !
Tags : Bruce WillisEmily BluntJoseph Gordon-LevittLooperRian Johnson
Audrey

Gentle Geek Audrey

Co-fondatrice et rédac’chef de GentleGeek, je suis journaliste le jour et blogueuse la nuit – les deux ne sont pas incompatibles, non non. J’aime le cinéma, les jeux vidéo, les comics et les chats. C’est déjà pas mal !