Lexis Numerique et son fondateur Eric Viennot, déjà connus pour In Memoriam, lançaient le 12 novembre dernier Alt-Minds, en le présentant comme une fiction totale.
Alors Alt-Minds, c’est qui, c’est quoi, c’est bien ?
La Fondation Alvinson finance de nombreux projets de recherches, notamment celui d’une équipe de cinq étudiants basés à Belgrade (en Serbie, pour les mauvais en géographie), le MHD6. Le 20 juin 2012, ils disparaissent. Au début, personne ne s’inquiète : c’est la fin de l’année scolaire, ils ont peut-être décidé de s’octroyer un peu de temps sans prévenir personne (vous savez comment sont les jeunes).
Mais fin juillet, à Donetsk (en Ukraine), un blogueur filme par hasard ce qui semble être l’enlèvement d’Hisham, l’un des membres du MHD6, par un homme armé. L’équipe est donc officiellement portée disparue.
Malheureusement, l’enquête de la police locale piétine, et plus de deux mois plus tard, on n’est pas plus avancé. La Fondation décide alors d’organiser elle-même les recherches. Pour ce faire, elle rassemble les documents relatifs au MHD6 qu’elle a en sa possession, les met à la disposition d’internautes volontaires pour aider l’enquête et envoie parallèlement une enquêtrice et un cameraman à Belgrade, et deux enquêteurs à Donetsk. Ils deviennent, en quelque sorte, les yeux et les oreilles des internautes.
Et bien sûr, comme les choses étaient beaucoup trop simples, un mystérieux corbeau, The_Donetsk_Voice, envoie à la Fondation des vidéos mettant en scène le MHD6 dans leur labo de l’université avant leur disparition, non sans y avoir au préalable caché de bien mystérieux messages.
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Vous l’aurez compris, les internautes volontaires, ce sont les joueurs, et l’élucidation du mystère passera par leurs petites cellules grises.
Jusqu’à présent, l’enquête se déroule selon le schéma suivant : les enquêteurs, à Belgrade ou à Donetsk, trouvent certains éléments, rencontrent des témoins, et filment leurs déplacements. Et, fatalement, arrive un moment où ils sont coincés : où aller ensuite ? A qui parler ? Kesseçé ce truc ? Kesseça veut dire ?
C’est à ce moment-là que le joueur entre en scène, avec à sa disposition les différentes vidéos tournées par les enquêteurs, ainsi qu’une copie des documents trouvés. Et il devra grâce à ça identifier un lieu, une personne, un site internet, déchiffrer un message codé, la routine dans un jeu d’enquête.
En parallèle de cette enquête, il y a également les vidéos de The_Donetsk_Voice, dans lesquelles il faut trouver les messages cachés. Et essayer de comprendre le rapport entre ces messages, et la disparition des étudiants.
Alors pourquoi parler de fiction totale pour ce qui semble être un bête jeu d’enquête ? Parce que la forme et la mise en scène sont assez différentes.
Tout d’abord, le « jeu » se passe en temps réel, tous les joueurs arriveront donc au bout de l’enquête en même temps. Si la responsable de l’enquête à la Fondation Alvinson a une info à 9h30, elle vous en fait part à 9h30, et si ensuite l’enquêtrice de Belgrade vous informe qu’elle a rendez-vous avec un possible témoin le soir, il ne faudra pas attendre de ses nouvelles avant… Le soir.
Du coup, toute la journée à intervalles plus ou moins réguliers, vous aurez des informations sur l’enquête, via l’interface enquêteur du site : des documents, des noms, des découvertes, l’avis des enquêteurs (pas des joueurs, des enquêteurs), le tout sous la forme d’une sorte de chat.
Parfois même, si il se passe quelque chose d’important, vous recevrez un mail ou un sms (si vous avez fourni votre numéro de téléphone, évidemment), vous invitant à vous connecter, car il y a du nouveau. Libre à vous ensuite d’approfondir un peu ces nouveaux éléments, ou de les garder dans un coin en attendant de voir quelle sera la mission du jour.
Vous y passez donc le temps que vous voulez dans la journée : hormis la mission (ou parfois les missions) qu’on vous donne en principe aux alentours de 19h, et qui demande de s’y arrêter un moment, vous pouvez passer deux ou trois heures (voire plus x) d’une traite si vous en avez le temps ou l’envie à inspecter les différents éléments, à prendre des notes, à échafauder des théories, ou bien vous pouvez y passer cinq minutes de temps en temps. Vous pouvez écumer Internet pour vous blinder sur le contexte de l’enquête, ou vous contenter de quelques éléments.
Ensuite, le « décor » de l’enquête tente de flouter un peu les frontières entre la réalité « réelle » et celle de l’histoire : les chercheurs disparus et certains enquêteurs ont des pages Facebook, créées pour l’occasion, sur lesquelles, certes, il ne se passe pas grand chose, mais c’est toujours amusant. Surtout que ces fausses pages Facebook montrent les intérêts des chercheurs par exemple, qui sont elles de vraies pages.
Il y a également de faux blogs créés pour l’occasion, de faux articles sur de vrais sites, de vrais forums, de vrais faits sur de faux blogs, et parfois, personnellement, je ne cherche même plus à savoir si le site sur lequel je tombe pour mener mon enquête est un « vrai » ou un « faux », puisqu’au final, ça n’a aucun intérêt, ce qui compte, c’est l’histoire, l’avancée de l’enquête, la collecte d’éléments. Mais au niveau de l’immersion en tout cas, c’est trop top.
Sans oublier les mini-documentaires tournés sur les thèmes de l’enquête, histoire d’en rajouter une couche et d’enrichir encore un peu l’univers.
Enfin, la façon même dont l’histoire est racontée, par petites vidéos, dont certaines bien mystérieuses, en respectant le temps réel, façon micro-reportage, joue aussi beaucoup sur l’immersion en aidant clairement le joueur à suspendre son incrédulité… Et donc à entrer sans problème dans cette réalité parallèle. Surtout quand il reçoit sur son téléphone des appels fort louches…
Toujours dans un souci de ne pas cantonner le joueur uniquement à l’interface du jeu, les missions vous obligeront souvent à utiliser tous les outils possibles, les documents en eux-mêmes n’étant pas suffisants : bonjour moteurs de recherche, sites de plans, sites sociaux, sites de traduction, applications diverses et variées, Wikipédia ! La solution peut se cacher dans une playlist sur Deezer ou au détour d’une carte en 3D.
Evidemment, les joueurs marquent des points tout au long de l’aventure : participer à une mission vous rapporte des points, y répondre correctement aussi. Il y a également un bonus pour les premiers à donner la bonne réponse. On peut aussi augmenter son score en proposant des points sur l’enquête : à l’aide des éléments connus et de votre imagination Hercule Poirotienne, à vous de donner votre avis, de suggérer des pistes aux autres joueurs.
Pour l’instant, ces points, bien qu’intéressants, partent un peu dans toutes les directions : l’enquête n’en est qu’à ses débuts, tout est possible.
Finalement, le seul point sur lequel il est pour l’instant difficile de se faire une opinion, c’est l’histoire. Il semblerait qu’on parte sur les ressorts classiques de l’expérience secrète, des scientifiques menacés (ou menaçants) à cause d’une découverte ouvrant de nouveaux champs. Il faudra voir comment tout cela s’imbrique, mais pour l’instant, l’ambiance est prenante comme il faut, et c’est bien le plus important : on a envie de participer, de connaître un peu plus les disparus, de découvrir leurs secrets, de voir où tout ça nous mène.
Pour ceux qui se sentent intéressés, sachez que le jeu vient de finir sa deuxième semaine, et qu’il en reste donc six. Rattraper les deux premières en différé vous prendra quelques heures. Quoi qu’il en soit, la première semaine est gratuite (ensuite, chaque chapitre coûte 2,99 €, 14,99 pour le pack complet), et je vous recommande chaudement d’essayer, pour vous faire votre propre idée. Rendez-vous donc sur le site d’Alt-Minds.
Une deuxième session devrait avoir lieu en début d’année prochaine, pour ceux qui préféreraient se lancer dans l’aventure en direct du début à la fin.
Alt-Minds se situe au carrefour entre une série, un point and click et une enquête d’Hercule Poirot interactive : c’est prenant, immersif, riche, de quoi y passer des heures à se demander ce qui se passe vraiment, au risque de regarder de travers son voisin au bout d’un moment. Des fois qu’il en veuille à votre vie.
En plus, nul besoin d’être accro aux jeux vidéo pour pouvoir jouer : il suffit de maîtriser son navigateur internet. Vous pouvez donc jouer seul, avec votre moitié, vos enfants, vos parents, vos grands-parents… (oui, je m’emballe, oui !).
Nous compléterons notre avis au fur et à mesure de la progression du « jeu », mais il semblerait que ce soit une expérience assez différente pour qu’on ne regrette pas de l’avoir tentée.
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