Un film basé sur un roman de l’auteur de Twilight, adapté et tourné par le réalisateur de Time Out : à première vue, Les Âmes Vagabondes fait un peu peur. Au final, si le bilan reste mitigé, tout n’est pas à jeter, mais le potentiel de l’histoire contribue énormément à faire ressortir les défauts du long métrage. Décryptage en demi-teinte du nouveau film d’Andrew Niccol.
La Terre est envahie. L’humanité est en danger. Nos corps restent les mêmes, mais nos esprits sont contrôlés. Melanie Stryder vient d’être capturée. Elle refuse cependant de laisser place à l’être qui tente de la posséder. Quelque part, caché dans le désert, se trouve un homme qu’elle ne peut pas oublier. L’amour pourra-t-il la sauver ?
Au carrefour de la science-fiction, du film d’action et de la bluette romantique pour ado, Les Âmes Vagabondes est donc adapté du roman du même nom – The Host, en anglais – que l’on doit à Stephenie Meyer, l’auteur de Twilight. Sachant cela, on peut s’attendre à différentes choses : des amours pudibondes, du fantastique un peu WTF et un triangle amoureux. Bon, en vérité, c’est légèrement plus, dirons-nous, « osé » que Twilight, le côté fantastique n’est pas si mauvais, mais par contre le triangle amoureux est bien là… et s’il se trouve relativement justifié par l’histoire, l’énorme regret à avoir, c’est qu’au final, l’histoire ne tourne qu’autour de ça !
Parce que le pitch du final n’est pas mauvais : dans un futur proche, la Terre est envahie par une race extra-terrestres, nommée les Âmes. Ces dernières, des sortes de symbiotes, ont besoin d’hôtes pour évoluer : les humains font donc parfaitement l’affaire. Capturés, ces derniers font donc office de réceptacles pour les Âmes, qui prennent le contrôle de leur corps et mettre l’esprit humain au rebut. Les rares humains qui ne sont pas « habités » par une Âme se cachent pour ne pas être pris. Parmi eux, Melanie Stryder, une jeune femme qui fait partie de la Résistance, décide de se jeter dans le vide pour échapper aux envahisseurs. Mais elle survie et devient l’hôte de Vagabonde (Wanderer en VO), une Âme millénaire qui se voit chargée de fouiller l’esprit de Melanie pour découvrir où se cache la Résistance. Mais non seulement l’esprit de Melanie résiste, mais il va en plus parvenir à convaincre Vagabonde de s’enfuir pour protéger sa famille et ses amis. Passée cette partie de l’intrigue qui dure environ 15 minutes, le reste du film raconte l’histoire de ces deux esprits qui habitent un même corps.
Le thème de la « cohabitation » humaine/extraterrestre n’est certes pas nouveau, mais le film d’Andrew Niccol – qui s’est peut-être foiré avec Time Out, mais à qui on doit quand même l’excellent Gattaca – plante une base suffisamment solide pour espérer une belle histoire, malgré quelques clichés assez rapidement identifiables. La mise en scène, de son côté, s’avère plutôt convaincante, et offre quelques belles séquences, grâce notamment à une photographie très soignée. Enfin pour ce qui est de l’interprétation, Saoirse Ronan (Hannah, Lovely Bones) s’en sort plutôt bien même si son rôle, qui consiste 90% du temps à rester planter là pendant que Melanie et Vagabonde cogitent à l’intérieur de sa tête, s’avère finalement plutôt ingrat.
Mais la situation se corse dès la fin de l’exposition, soit au bout d’une petite demie-heure, lorsque Melanie/Vagabonde arrivent dans le camp de la Résistance. On sent vite le drame arriver quand le mec de Melanie découvre que sa copine est « occupée » par une Âme et devient un peu dingue – rien d’étonnant à ça – mais que Melanie décide qu’il ne vaut mieux pas dire qu’elle est encore consciente et qu’elle collabore avec Vagabonde qui, elle, reste carrément muette. Sans en dire plus pour ne pas « gâcher » l’intrigue, disons que c’est le point de départ d’une série de situations et de décisions soit improbables, soit carrément illogiques. Et là, un second mec se pointe et c’est Vagabonde qui craque dessus, alors que le type cherchait quand même à la tuer quelques heures avant, mais bon, hein : le voilà donc, le fameux triangle amoureux qui va occuper plus d’une heure sur les deux que dure le film. A partir de là, tout le reste ou presque passe au second plan et les rares scènes d’action qui viennent dynamiser un peu l’ensemble ne sont finalement que des prétextes à remettre en question la légitimité de l’humaine « occupée » au sein du groupe. Puis bon, il faut bien ça face au dilemme totalement inextricable – en apparence, car rien n’est impossible pour Stephenie Meyer – de deux « âmes » qui se partagent un corps et qui aiment deux types différents.
Le spectateur assiste quant à lui, impuissant, à un beau gâchis d’une intrigue qui démarrait pourtant bien, un potentiel réduit à une bluette visant les adolescentes en mal de Twilight. Les Âmes Vagabondes reste malgré tout au-dessus de l’histoire de vampires, notamment grâce aux efforts du réalisateur, de Saoirse Ronan qui vaut bien mieux que Kristen Stewart, et à quelques éléments du casting qui valent le coup, William Hurt notamment. Diane Kruger, qui joue le rôle de la méchante du film, n’a malheureusement pas vraiment l’occasion d’offrir une prestation très nuancée et son personnage fini par tomber à plat d’une manière tellement ridicule qu’il ne résume finalement qu’à un prétexte de plus, au milieu de la multitude de deus ex machina qui pullulent à la fin du long-métrage.
Bien évidemment, pour éviter tout spoiler, on ne parlera pas ici de la fin, mais il faut quand même préciser que Stephenie Meyer a pour projet d’écrire deux autres bouquins pour faire de The Host une trilogie : le premier livre étant sorti en 2008, on peut se demander où en est l’auteur dans son travail, mais le film prend en compte cette perspective. Voilà voilà, en ce qui concerne le pourquoi du comment, vous aurez la surprise…
Alors finalement, que penser des Âmes Vagabondes ? Forcément, en mettant autant en avant l’implication de l’auteur de Twilight sur l’affiche, la comparaison était inévitable, malgré l’allusion forte à Andrew Niccol qui a adapté l’histoire pour l’écran et réalisé le film. Du coup, Les Âmes Vagabondes étonne agréablement dans le sens où il n’est pas aussi niais que la bluette vampiresque, et offre un triangle amoureux un peu plus complexe même si totalement téléphoné. Étrangement, on a parfois l’impression que le film est embarrassé par son matériau d’origine, et voudrait s’en défaire : en tant que spectateur venu voir un film de science-fiction, on se retrouve face à la frustration d’un potentiel réduit à sa plus simple expression… par contre, en tant que spectateur venu voir une histoire d’amour, la donne est tout autre et le romantisme l’emporte : le côté SF ne devient alors qu’un prétexte pour servir le triangle amoureux. En définitive, Les Âmes Vagabondes est un film que les romantiques apprécieront pour ceux qu’il est, mais que les amateurs de science-fiction découvriront avec une certaine frustration à différent degrés, de la déception totale à l’envie d’en faire un petit plaisir coupable. Et finalement, si c’était comme ça qu’il fallait prendre la chose ?
Les Âmes Vagabondes d’Andrew Niccol, avec Saoirise Ronan, Diane Kruger, William Hurt, Max Iron… sortie le 17 avril.
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