Nous voila à mi-parcours de cet Étrange Festival cuvée 2013, et si certains films ont pu faire plaisir, force est de constater qu’on attend toujours de se prendre une vrai claque par un film proposé en compétition. Et puis ce lundi est arrivé… Attention, journée de malade.
Les choses ont pourtant commencé en douceur avec Northwest, un film Danois de Michael Noer. Fortement inspiré par le cinéma de Nicolas Winding Refn à ses débuts, Northwest (qui n’est pas un hommage à la fille de Kanye West) suit le parcours de Casper (non, pas le gentil fantôme, suivez, un peu), un petit cambrioleur qui suite à une rencontre va chercher à monter en grade et se trouve plongé dans un monde de violenc, de drogue et de prostitution. Evidemment, le nom de Pusher sonne très vite à nos oreilles devant ce parcours d’un délinquant qui trouve tout d’un coup l’occasion de jouer dans la cours des grands. Et comme dans Pusher, le contrôle de la situation va bientôt lui échapper des mains.
Mêlant la douceur des scènes de vie quotidienne, familiale, avec celles de vie de truand, Northwest est comme son modèle, filmé de façon très brute, très réaliste, sans artifices. Bien sur, le film n’est pas un copié-collé pur du film de Refn, et Northwest est même plutôt bien conçu, on s’attache au destin de ce héros pris dans une spirale de violence grandissante qui finira par le dépasser. Toutefois, la parenté avec le premier film du réalisateur de Drive reste trop évidente et trop présente pour que le film s’en détache totalement. Ainsi, Northwest apparait comme un film pas toujours « original » en raison de ce paternel trop pesant, mais reste un très bon polar nordique, plaisant à défaut d’être marquant.
La journée se poursuivait avec une pièce très attendue au menu de cet Étrange Festival : A Field in England, bêtement renommé English revolution pour sa sortie France, le nouveau film de Ben Wheatley. Révélé par le festival par Kill List, le cinéaste anglais est en train de devenir une valeur sure du cinéma de genre, et avait bénéficié l’an dernier d’un focus qui avait permis de découvrir son tout premier film, ainsi que son dernier né à l’époque, Touristes. Après cette comédie noire, qu’allait donc nous réserver Ben Wheatley cette fois-ci ?
Premier constat : Ben Wheatley n’a pas l’intention de livrer deux fois le même film, tant ce A field in England ne ressemble à aucun de ses précédents (et quelque part, tant mieux). Un chemin que le réalisateur semble décidé à poursuivre, puisque son prochain film ne sera rien d’autre qu’un film de Monstres. Mais A field in England est aussi une production originale et singulière dans le paysage cinématographique actuel.
Pendant la guerre civile anglaise, un groupe de déserteurs tombe sous la coupe d’un fugitif qui les force à l’aider à trouver un trésor enterré dans un champ. Mais très vite, une énergie invisible et l’usage de champignons fait sombrer le groupe dans la paranoïa.
Filmé dans un très beau noir et blanc, A field in England se veut un film à l’esthétique très léchée et au rythme lent. Point de scène choc ici, pas de rebondissements intempestifs, le nouveau Ben Wheatley est un film plutôt simple, intimiste, dont le travail repose avant tout sur l’ambiance qu’il instaure. La violence est surtout psychologique et hors champ (les cris sous la tente). A field in England est un trip psychédélique sur pellicule, avec un lot de scènes barrées et peut s’avérer au premier abord rebutant. Mais après une petite mise en place, la mayonnaise finit par prendre, et on se laisse embarquer dans ce voyage à base de champignons qui rendent zinzins pour n’en sortir qu’à la fin. Néanmoins, le film risque de laisser pas mal de gens sur le carreau. Mais l’audace du film, qui ne ressemble à rien d’autre dans ce festival, mérite d’être salué.
Pour autant, la véritable claque du festival était sur le point d’arriver. Mesdames, Messieurs, merci d’accueillir Sono Sion dans l’arène ! Et ce n’est pas Frédéric Temps, le Président du Festival, qui dira le contraire tant ce dernier était enthousiaste lors de sa présentation du long-métrage.
Après un Land of Hope particulièrement timoré et décevant, Sono Sion revient en grande forme avec Why don’t you play in hell, une comédie gore et déjantée en forme de déclaration d’amour au cinéma ! Et on peut dire que le film est à la hauteur de la réputation du cinéaste japonais.
Why don’t you play in hell, où la rencontre d’une troupe de cinéastes amateurs et déjantés qui se retrouve mêlé àune guerre entre deux clans yakuzas. Au centre de tout cela : Mitsuko, la fille d’un des chef yakuzas, ancienne idole de pub télé que le père veut absolument voir au cinéma pour faire plaisir à sa femme. Et quand tout ce beau monde finit par se rencontrer, ça tranche sévère !
Autant le dire, Why don’t you play in hell est une tuerie dans tout les sens du terme, au sens propre comme au figuré. Inventif, déjanté, Sono Sion livre un film volontairement outrancier, à l’humour omniprésent et grotesque (la chanson des brosses à dent en plein combat), et comme à son habitude, toujours aussi rageur et cynique ! Il faut pourtant réussir à rentrer dedans au départ, quand les éléments se mettent en place et qu’on se mélange un peu les pinceaux. Mais très rapidement, tout redevient clair et c’est un pied monstrueux qui attend le spectateur, notamment dans ses dernières 45 minutes, où se mèlent combats au sabre, gunfights, déluge d’hémoglobines, romance à la con et même des arcs en ciel. Et à chaque délire supplémentaire, on se dit que le réalisateur japonais ne pourra pas pousser encore le bouchon et l’exhubérance plus loin.. avant de réaliser que si, il va aller encore plus loin. Toujours plus gore, toujours plus absurde dans son humour grotesque, le film offre son lot de dénonciation (star système et sa pression, financement du cinéma) mais se révèle en même temps une ôde à l’indépendance, aux valeurs que l’on choisit de rester fidèle quitte à y laisser de soi. La troupe de cinéastes amateurs devenant en quelque sorte l’alter-ego de Sono Sion lui même, cinéaste pas toujours des plus reconnus et refusant certains artifices commerciaux.
Why don’t you play in hell est peut être la vrai première grosse claque de ce festival, et le public ne s’y est pas trompé, puisque le film est pour l’instant celui qui a été le plus applaudi de tous ceux présentés jusque la. A raison. Pendant ce temps, les spectateurs pouvaient également découvrir Found, dont les premiers échos étaient également plutôt flatteurs.
Premier film de Scott Schirmer (à ne pas confondre avec l’interprète de Ross dans Friends), Found, c’est l’histoire de Marty, 12 ans, fan de comics de et de films d’horreur, martyrisé et marginalisé à l’école. Un jour il découvre une tête humaine dans le sac de bowling de son frère… Mais Found, c’est aussi l’histoire d’un film complètement fauché (10 000$ de budget), et ça se sent : son qui laisse à désirer, images pas toujours des plus rigoureuses, casting assez inégal… Mais c’est aussi un vrai hommage au genre horrifique, avec ce gamin explorant le rayon horreur de son video-club et la collection de VHS de son frère, et auquel pas mal de fans du genre peuvent s’identifier (au gamin, pas au frère, sinon vous êtes dérangés !). Le film aligne les références au cinéma d’horreur des années 80 et aux séries B, avec des affiches de films cultes comme Street Trash ou des VHS d’Hellraiser ou de Surf Nazis Must Die (Troma)… On sent aussi le plaisir de l’équipe qui s’est amusée en tournant Headless, le « film dans le film »…
De bonnes idées contrebalancent le budget bas, avec des lumières naturelles, des décors réels et une critique de la société et de famille américaines (religion, racisme, hypocrisie…), non sans clichés et naïveté. Même si le film comporte quelques longueurs et si l’ambiance ne fonctionne que par intermittence, on n’oubliera pas de sitôt la scène finale qu’on n’avait pas vu venir…
Avec Found, Scott Schimmer signe un premier film très prometteur qui, s’il n’est pas exempt de défauts, reste bourré de bonnes idées et de mauvais goût…
Un commentaire