Ah la période de Noël, époque bénie où ne savons plus quoi offrir à nos bambins, nos neveux, et autres chères têtes blondes qui peuvent peupler notre entourage. Dans l’offre pléthorique, il y a de quoi hésiter. Aujourd’hui, nous vous proposons de vous faciliter la tâche, en testant InviZimals, un jeu définitivement tourné vers les enfants, aux couleurs chatoyantes et aux monstres sympathiques, qui se déclinent déjà en cartes à collectionner. Alors, InviZimals, le cadeau rêvé pour vos enfants ?
Faut-il être un enfant pour pouvoir apprécier un jeu pour ce jeune public, et le juger en toute honnêteté? N’ayant pas encore d’héritier susceptible d’être mon testeur et d’échanger avec moi de manière constructive et enrichissante, je me suis contentée de repartir dans le royaume de mon enfance, caché au fond du placard, elle qui a été peuplée de Pokémons, Digimons et Yu-Gi-Oh, autant en cartes physiques que sur support vidéoludique, il était indéniable qu’elle me serait d’une grande aide. En mixant cette jeunesse perdue avec les éléments de 2013, il y avait peut-être moyen d’être juste. Alors commençons.
Le jeu sur Playstation 3 se décline en deux modes : le solo et le mode combat, qui permet de faire s’affronter nos InviZimals contre ceux de nos amis. La campagne solo nous place dans la peau de Hiro, jeune garçon jeté dans le monde des InviZimals: dans ce royaume fait de pixels grossiers, de vils pillards, dits InviZimals d’acier, mettent le dawa, et il s’agit de rétablir l’ordre. De cinématiques live kitchissimes, non sans rappeler l’aspect méga cheap de Power Rangers, avec le même doublage affligeant et agaçant, nous passons rapidement à l’heure de la digitalisation, avec un petit héros vêtu de son manteau orange très manga. Nous rencontrons notre premier InviZimals, une sorte de gros léopard nommé Ocelott, avec des grosses griffes qui lui permettent de grimper aux murs recouverts de lianes. Chaque InviZimals aura donc sa particularité qu’il faudra exploiter selon les situations. Chaque pouvoir est sous-entendu de manière évidente, grâce à la morphologie des InviZimals : Tiger Shark nage, Minautor est une force de la nature, etc. Quelques pas plus tard, une voix agaçante qui nous accompagnera tout le long de l’aventure nous forme à l’utilisation de l’InviZimals : les déplacements, les combats et les capacités spéciales. A partir de là, le joueur est complètement largué sans autre forme de procès. Décevant ? Non, puisque le « tutoriel » remplit son contrat à merveille : à part avancer, combattre, ramasser des bonus et défier d’autres InviZimals pour les rajouter à votre équipe, il ne se passe fondamentalement rien dans l’aventure.
Cela manque de liant, me direz-vous ? Oui, et si vous vous attendez à un scénario palpitant, qui aurait pu tenir votre progéniture en haleine, détrompez-vous : au bout d’une heure de jeu, on pense encore être au tutoriel, tant la voix envahissante n’a délivré aucune information, et tant les cinématiques sont laconiques. Il y a bien les InviZimals que vous croisez qui vous donneront quelques indices, mais c’est un bien maigre butin qui empêchera tout attachement pour la campagne solo, puisque l’ennui pointe rapidement le bout de son nez. Ennui d’autant plus frustrant que le jeu est une succession de couloirs à peine masquée où l’on se borne à courir, taper, ramasser des bonus, taper, courir. De temps à autres, vous croisez une salle dont l’entrée est débloquée grâce à la dépense de vos points accumulés, remplie d’ennemis à l’IA plus que douteuse, lent à mourir et fragile comme une feuille de papier à cigarette. Au bout du compte, vous trouverez quelques bonus « intéressants », mais l’aspect répétitif fatiguera rapidement joueur aguerri comme jeune scarabée.
Ce voyage au bout de l’ennui se fait à travers une caméra fixe définitivement interdite en 2013 par la convention de Genève, qui rappellera aux plus anciens d’entre nous qui oserons s’aventurer dans le monde d’InviZimals de célèbres jeux de plateforme dont un certain Prince de Perse. Ajoutez à cela des décors qui ne changent pas, peu inventifs quoique colorés – qui plairont donc aux plus jeunes -, des chutes de framerate vertigineuse, une IA d’ennemis ras les pâquerettes qui permet de s’occuper des caisses et des autres points avant d’en venir aux mains dans des combats répétitifs, et vous obtenez InviZimals. Pour tout dire, les graphismes sont indignes de la PS3. Alors oui, on n’attend pas d’un jeu pour enfants un photoréalisme Last of Usien, je vous entends dans le fond de salle. Mais quand même. Et d’où vient cette idée d’insérer des cinématiques live kitches? Vague relent de Power Rangers, la série en papier mâché qui a fait notre enfance. Mais justement. NOTRE enfance. Celle des bambins actuels est passée à travers de bien nombreux autres dessins animés, et a surtout connu Skylanders et autres Disney Infinite, de bien autre facture.
Si au moins le gameplay avait été inventif. Mais si on a le choix entre plusieurs « attaques » – limitées au nombre de 6 par InviZimals, débloqués grâce aux points glanés -, point de combos. Triangle pour l’attaque puissante, rond pour l’attaque lourde. Donc non seulement vous vous baladez dans des couloirs mais en plus le combat n’a aucune saveur et les animations sont pauvres : il n’y a d’ailleurs qu’une seule difficulté, ce qui fait approcher la probabilité de rejouer au jeu de zéro. Saupoudrez le tout de glitches et d’une maniabilité pénible – nombre de fois, au lieu de sauter correctement sur la plateforme en face de vous, vous allez choir et vous devrez recommencer. Au dernier point de sauvegarde. Ca vous rappelle les jeux de votre enfance aussi, non ? – Si certains joueurs s’acharneront, il y a fort à parier que les enfants feront passer la console par la fenêtre au bout d’un quart d’heure.
Bon, alors sur quoi pourrait se rattraper la campagne solo… Mettons-nous à la place de nos enfants. Peut-être la joie de chercher, de devoir résoudre des énigmes ? Histoire de rajouter un peu de ludique? Eh bien, ne comptez pas là-dessus : la voix du tutoriel pénible et le jeune héros se lanceront souvent dans des monologues, parfois inzappables, pour vous dire ce que vous devez faire, réduisant l’apprentissage à néant. Et comme on est dans un jeu destiné à un jeune public, les pièces ou les interrupteurs à chercher ne sont jamais bien loin, même si la caméra pénible vous empêchera de les voir dans un premier temps – chercher un interrupteur pendant 15 minutes est aussi un motif de passage de console à travers la fenêtre. Là par exemple, cela fait trois fois que je tente de sauter d’une plateforme à une autre sans succès, parce que la caméra m’empêche de voir mon point de chute. Rageant.
Le seule point positif serait semble-t-il la musique, pas trop envahissante et qui devient plus punchy pendant les combats avec des adversaires nombreux. Super.
Passons au mode combat. Simple mais efficace, on choisit son combattant, son arène et ses « vecteurs » – ils sont disponibles en mode achat, IF YOU KNOW WHAT I MEAN – ces vecteurs vous permettront d’engranger des bonus pendant vos combats. Mais ouf, on me dit dans l’oreillette que l’argent utilisé n’a rien à voir avec vos véritables deniers, il s’agit en fait des étincelles que vous aurez ramassées pendant votre progression dans le jeu. Vous les retrouverez également pendant les combats, en même temps que certains pièges comme des mines qu’il faudra éviter. Et si vraiment vous êtes à la dèche, vous pourrez vendre des vecteurs gagnés en combat ou des InviZimals.
On retrouve là tout l’intérêt du jeu. Un système d’expérience vous permettra de personnaliser vos héros avec des points de compétence, et vous pourrez retrouver tout le sel des jeux qui ont fait notre enfance, comme pokémon : chaque InviZimals possède 3 évolutions, de plus en plus puissantes : si pas mal de combattants sont disponibles dès le début du jeu, ils le sont à leur forme primaire, donc Minautor aura l’apparence d’un gentil petit veau. Et l’aventure se corse au fur et à mesure que vous remportez des combats.
Les arènes sont débloquées grâce à votre progression. Quant aux personnages, ils sont débloqués dans la campagne solo – et ils figurent alors dans le catalogue – puis grâce aux évolutions. Au fur et à mesure de votre progression dans les grades – débutant, novice, apprenti… -, des nouveautés apparaîtront, comme les barres de boost.
Le combat fait montre d’une certaine subtilité : chaque InviZimals est doté de quatre attaques et chaque attaque a un type en particulier, symbolisé par des logos. Comme dans Pokémon, certains InviZimals vont être plus sensibles à un certain type d’attaque, et des combos sont donc possibles, puisque par exemple l’attaque toxique empoisonne logiquement votre ennemi. En équipe, cela peut être intéressant. Une fois que vous avez donné une attaque, impossible de spammer : un cooldown vous empêchera de vous acharner sur votre ennemi, bien qu’il soit largement raisonnable.
Point négatif, en multijoueur – et non contre l’IA que l’on peut combattre dans le mode « combat rapide » -, vous serez amené à perdre ou à gagner des InviZimals en fonction de l’issue du combat. Cela aurait pu être intéressant si le système de matching n’avait pas été catastrophique : on se retrouve contre n’importe quel joueur. Peu importe si vous vous retrouvez devant un dresseur d’InviZimals qui possède des bestioles avec vingt niveaux de plus que vous. Vous vous faites donc démonter en trois secondes et vous perdez votre précieuse bête que vous avez péniblement fait XP pendant des dizaines de combats. FRUSTRANT.
L’intérêt de ce jeu est censé résider dans le cross-play, autrement dit la possibilité d’utiliser votre Vita et votre PS3 pour prolonger votre expérience. – Cela serait la justification pour les graphismes pourris dites-vous dans le fond de la salle ? Peut-être, en tous les cas, vous pouvez prendre votre PS Vita à l’école, revenir en bus chez vous, puis vous installer devant votre PS3 et reprendre exactement où vous vous en êtes arrêté. Il en va de même pour le multijoueur : vous pouvez vous échanger votre catalogue et combattre en utilisant la Vita et la PS3. Enfin, vous pouvez également vous connecter au monde des InviZimals via votre tablette ou votre smartphone, grâce au jeu de cartes à collectionner qui utilise la réalité augmentée pour donner une autre dimension à votre jeu. Votre InviZimals réagira au monde extérieur, et si vous vous baladez dans le vrai monde en sa compagnie, vous pourrez récupérer des bonus in game, voire débusquer un autre InviZimals que vous devrez dompter pour le rajouter à votre catalogue. Enfin, grâce au plateau de jeu et aux QR codes inscrits au dos de vos cartes à jouer, vous pourrez les digitaliser, ce qui vous empêchera de vous trimballer avec votre classeur de cartes dans votre sac à dos : il suffira juste de prendre votre plateforme nomade, de scanner les cartes au préalable et les faire combattre sur le tapis de jeu de réalité augmentée. Rien de plus simple. Alors oui, c’est intéressant, et ce n’est pas si surprenant que ce soit un jeu pour enfants qui utilise cette technologie en priorité. Gageons que cet aspect de cross plateforme poussé se démocratise à des jeux un peu plus adultes. Mais l’effort est là, c’est ludique et sympa – si on est nostalgique des jeux de cartes, évidemment -, à la Books of Potions, et c’est parfaitement adapté aux enfants, ce qui est bien l’un des seuls points positifs de ce test.
Dans les années 2000, ce jeu aurait sans doute fait un carton. Mais vu le vécu de nos enfants et la surcharge des concurrents, il ne fait pas le poids. Préférez-lui Skylander, même principe, mais meilleur jeu. On s’ennuie dans InviZimals. C’est répétitif as shit, inintéressant as fuck, pas même ludique pour deux francs, pas très beau, simpliste et dirigiste au possible. C’est un grand investissement enfantin pour une qualité moyenne, et dans un marché qui est saturé de produits de la même déclinaison, InviZimals : Les Royaumes Perdus est loin d’être une référence et se plonger dans le jeu n’a rien d’un plaisir coupable de retour en enfance : si les références sont bien-là, ce sont malheureusement celles que nous souhaitons éviter. De même les mécanismes de la « collectionnite », chère à n’importe quel joueur, mais surtout à nos chères têtes blondes – ou brunes, auront de quoi vous agacer, vous, parents, mais augmente le potentiel de réussite de ce jeu auprès des plus jeunes. A laisser passer, donc. Sauf si vous voulez que votre PS3 passe par la fenêtre, après de trop nombreuses frustrations.