L’équipe de Robocop était à Paris cette semaine pour assurer la promotion du remake réalisé par le Brésilien José Padilha, l’occasion pour GentleGeek de rencontrer les acteurs Gary Oldman, Abbie Cornish et Joel Kinnaman, ainsi que le réalisateur de ce remake du film culte réalisé par Paul Verhoeven en 1987.
C’est un gros challenge de reprendre le rôle de Robocop. Joel, avez-vous ressenti de la pression en reprenant un rôle légendaire comme celui de Robocop ?
Joel Kinnaman : Non je n’ai pas spécialement ressenti de pression, car j’allais jouer avec Michael Keaton et Gary Oldman et il valait mieux pour moi me montrer sous mon meilleur jour. Et jouer un rôle qui a déjà été joué par quelqu’un d’autre auparavant, ce n’est pas nouveau pour moi. Je viens du théâtre, et on fait ça tout le temps. Et si on ne pense qu’à ce qu’ont fait les autres avant nous, alors c’est perdu d’avance. José a créé cet univers et c’est un univers très différent de celui de Verhoeven. Le personnage a le même nom, mais ce par quoi il passe est très différent. Donc non, je n’y ai pas pensé du tout.
Vous avez dit que vous vous sentiez nu sous le costume de Robocop ?
Joel Kinnaman : Ce que je portais sous le costume était très fin, donc oui, je me sentais un peu nu…
Est ce que ça vous a aidé pour joué ?
Joel Kinnaman : Oui, car je m’imaginais comment ça serait d’être amputé comme le personnage, tout en gardant ses fonctions cognitives, c’est comme ça que je le voyais : ce serait comme être nu, exposé, et vulnérable. Et comme je n’étais pas très à l’aise avec le costume, c’était une manière de ressentir la vulnérabilité d’Alex Murphy. Pour moi, c’était une émotion très intéressante à jouer car il y a ce contraste d’avoir un corps invincible, mais d’être en même temps complètement vulnérable.
Comment vous êtes-vous préparé pour ce film ? Pour pouvoir bouger avec cette armure, et aussi affronter Michael Keaton, qui a incarné Batman…
[quote_right] « Si on pense à ce qu’ont fait les autres avant nous, alors c’est perdu d’avance » [/quote_right]
Joel Kinnaman : La première fois que j’ai essayé le costume de Robocop, il m’a fallu 1h45 pour le mettre. Il est très lourd, c’est difficile de bouger avec, et je savais que j’allais devoir le porter 14 heures par jour, 6 jours par semaine, pendant 5 mois. Donc je me suis entraîné pour être en forme. On a aussi décidé qu’on n’allait pas faire bouger Robocop à la manière d’un robot comme dans les années 80, car aujourd’hui on a des robots qui ont des mouvements très fluides. On voulait qu’il ait les mouvements et les techniques de combat des forces spéciales, davantage comme un super-humain que comme un robot, donc je me suis entraîné avec les forces spéciales suédoises pendant trois semaines, ainsi qu’avec l’équipe d’intervention spéciale de Los Angeles.
José Padilha : Et on a aussi attendu que Michael Keaton soit un peu plus vieux… (rires)
Pensez-vous qu’une vie comme celle de Robocop vaut d’être vécue ?
Joel Kinnaman : Je ne sais pas. Sa première réaction, c’est de vouloir mourir. Et ensuite il comprend tout l’amour qu’il a pour sa famille, puis il trouve une façon de continuer à vivre, une façon d’être utile à sa famille et à la société.
Vous jouez dans la série The Killing, et Robocop devrait devenir une saga. Vous aimez développer vos personnages sur plusieurs films ou saisons ?
Joel Kinnaman : Oui, j’ai déjà fait ça plusieurs fois, avec des pièces de théâtre et des séries. Jouer, faire une longue pause, et revenir… C’est un processus que j’aime vraiment.
José, quelles sont les différences entre votre film et l’original ?
José Padilha : Le personnage de Robocop, pour moi, a deux dimensions, et je pense que nous a préservé ça dans notre film. La première dimension est une dimension politique, c’est tout ce qui arrive avec cette violence extrême, qui ouvre la voie vers le fascisme. La deuxième dimension, c’est la question de savoir ce qui différence l’homme des machines. C’est une question philosophique qui a du sens et que j’ai voulu soulever avec ce personnage. C’est une des raisons pour lesquelles dans notre film, quand Alex Murphy se réveille, son cerveau est complètement opérationnel : il peut penser, il a tous ses souvenirs et ses émotions… Et on lui dit qu’il est devenu un robot. D’abord, il est dans le déni, il pense qu’il rêve. Ensuite, il voit ce qu’il reste de son corps et veut mourir car il ne peut plus avoir de relation normale avec sa femme. Ensuite le Dr Norton lui dit de penser à sa famille, et c’est ce qui le fait rester, finalement. Mais le libre-arbitre, qu’on voit comme ce qui nous caractérise en temps qu’être humain, ça n’existe pas vraiment. Très peu de philosophes croient au libre-arbitre, certains pensent que nous faisons juste ce que la chimie et la physique ordonnent à nos corps de faire. Le libre arbitre, c’est une illusion. Comme dans la scène où Norton exprime une position philosophique, en disant qu’ils agissent sur le cerveau de Robocop et qu’il fait ce qu’on lui commande de faire, il n’est qu’un passager. C’est ce que pensent les philosophes. Donc c’est ça qui est différent de l’original. Ca, et le fait que nous sommes allés à Téhéran, que nous parlons d’une guerre faite avec des robots, et des possibles dérives fascistes.
Votre version du film est très différente du film original, mais vous avez gardé l’aspect politique du film, c’était important pour vous de réaliser un film de science-fiction avec du fond ?
José Padilha : Bien sûr, car le film original a une trame politique. Moi-même à l’origine, je suis un réalisateur de documentaires, et les documentaires ont toujours un fond politique ou en rapport avec des sujets de société. La raison pour laquelle j’ai choisi Robocop, c’est car c’est un sujet politique. Le film parle de ce qui va se passer dans un avenir proche, quand les soldats seront remplacés par des robots et des drones. La technologie avance et il y a de moins en moins d’humains dans la guerre, et ça, c’est la porte ouverte au fascisme. Prenez l’Irak : pourquoi les USA ont quitté l’Irak ? A cause des soldats qui mourraient. Si on enlève les soldats et qu’on les remplace par des robots, qu’est ce qui se passe ? Prenez Full Metal Jacket : il s’agit d’un groupe de soldats entrainés et déshumanisés. A chaque fois qu’on a besoin de violence extrême, il faut un processus de déshumanisation. Et la dernière étape de ce processus, c’est de remplacer l’humain par la machine. Robocop se devait d’être un film politique. Je ne me serais jamais pardonné d’en avoir fait un film sans l’aspect politique, cela aurait été ridicule.
Le film critique également les médias…
José Padilha : Dans tous les pays, il y a au moins toujours un média qui est le porte-parole de la droite fasciste et supranationaliste. Et je voulais me moquer de ces médias-là, même si c’est difficile, car ils sont déjà une caricature, donc il faut caricaturer la caricature, et pour cela, nous avions besoin de Samuel L. Jackson.
Avant Robocop, vous avez réalisé des films au Brésil uniquement. Comment s’est passé la transition entre le Brésil et Hollywood ?
[quote_left] « Robocop se devait d’être politique. Je ne me serais jamais pardonné d’en avoir un film sans l’aspect politique, cela aurait été ridicule. » [/quote_left]
José Padilha : Au Brésil, j’écris, je réalise, je produis et je distribue mes films moi-même. A Hollywood, je n’ai pas cette liberté. C’est complètement différent, il faut apprendre à naviguer dans ce système des studios qui existe depuis des années. Heureusement pour moi, des réalisateurs avant moi ont lutté contre les studios pour créer une organisation qui fonctionne. Le DGA, les producteurs et les agents sont une interface entre les réalisateurs et les studios, pour que ça fonctionne. Il y a aussi un système de preview des films, que les studios utilisent pour voir si le public aime les films ou pas. Donc on a fait un preview pour Robocop, et le public a aimé et quand on a demandé aux gens pourquoi, ils ont répondu « parce que le film est politique ».
Abbie et Gary, qu’est ce qui vous a plu dans vos rôles respectifs ?
Abbie Cornish : Ce que j’aime le plus chez Clara, c’est sa force, son amour et sa dévotion pour sa famille. C’est aussi une femme intelligente et c’était un plaisir de se mettre dans la peau de ce personnage tous les jours.
Gary Oldman : Ce que j’aime chez le Dr Norton, c’est qu’il fait une sorte de voyage, tout au long du film, contre sa volonté. Au début, il ne veut pas être impliqué, puis il y a toute une évolution du personnage, dont l’éthique est bousculée, et à la fin, il prend ses responsabilités, ce qui est assez rare. C’est pour ça que j’ai aimé ce personnage. Il est plutôt héroïque à la fin du film. Donc c’était une belle dynamique, agréable à jouer.
Comment s’est passé votre collaboration avec le réalisateur, José Padilha ? Il est scientifique de formation ?
Abbie Cornish : José est incroyablement intelligent, il lit beaucoup de livres sur les mathématiques ou les sciences… Il me disait « tiens, lis ça ! » en me donnant des livres que j’arrivais à peine à porter (rires) ! Il est très instinctif, il a beaucoup de passion et d’esprit, il a une vision politique des choses et de l’actualité. Et c’était intéressant de faire des recherches scientifiques sur le sujet…
Gary Oldman : Quand j’ai su que c’était lui qui réalisait le film, j’ai été soulagé. Car maintenant c’est la mode des remakes. Ils font des remakes de tout ce qu’ils peuvent. (il lève la main pour montrer le cadre au mur au-dessus de lui) S’ils pouvaient faire un remake de ce tableau, ils le feraient ! Mais pour moi, ça avait du sens de faire un remake de Robcop, car avant c’était de la science-fiction, mais maintenant ce n’est plus vraiment de la fiction, ce sont plutôt des faits. En 1987, qui aurait pensé que les drones existeraient ? Cela aurait été de la science-fiction à l’époque.
Gary, votre personnage est assez sensible et humain, sa relation avec Robocop ressemble un peu à celle du Dr Frankenstein avec sa créature. C’est le dilemme moral du personnage qui vous a attiré ?
Gary Oldman : Je pense que le film original, a dû être inspiré par l’histoire de Frankenstein de Mary Shelley, avec un personnage qui meurt et qu’on ramène à la vie. C’est aussi un peu une relation père-fils. En tant que parent, on ne veut pas décevoir ses enfants. J’ai élevé mes enfants seuls, j’ai été leur héros, et je ne voulais surtout pas les décevoir. Et c’est ce qui se passe avec le Dr Norton. Il ne veut pas briser la confiance entre lui et Alex.
Aviez-vous le film original avant d’accepter le rôle ?
Abbie Cornish : Je l’ai vu plusieurs fois quand j’étais petite, j’ai grandi avec mes trois frères, donc j’ai dû le voir au moins 5 ou 10 fois, et j’adorais ce film ! Mais bon, j’aimais tout ce que mes frères aimaient parce que je les trouvais trop cool… Mais pour moi ce n’est pas vraiment un remake, c’est plutôt un reboot. Et j’ai senti qu’avec cette équipe, le film était entre de bonnes mains.
Votre personnage Clara doit prendre une décision très difficile. Vous êtes-vous demandé « Qu’est-ce que je ferais dans cette situation ? »
Abbie Cornish : Oui, bien sûr. J’ai fait beaucoup de recherches et de préparation pour ce rôle. Mais en fait pour jouer les scènes, ça vient tout seul. Vous vous imaginez mariée avec un homme qui a eu un tragique accident, qui est loin pendant trois mois et qui revient enfin, c’est la première fois que vous le revoyez… Il n’y a pas besoin de jouer la comédie, tout est là. Je n’ai pas d’enfant donc j’ai aussi parlé à beaucoup de mères. Et dans ce rôle, je n’avais pas uniquement à être une femme en deuil, il fallait aussi apporter de la force au personnage, pour qu’elle se batte pour son mari et pour protéger son fils. Car Robocop c’est un film de science-fiction, mais il y a aussi cette famille et son histoire qui viennent donner une impulsion, même si c’est un petit rôle.
Abbie, vous avez joué dans Sucker Punch, qui était un film très féminin, et maintenant vous jouez dans Robocop, qui est un film plutôt masculin. Ca a été difficile pour vous de trouver votre place au milieu de tous ces hommes ?
Abbie Cornish : Non, parce que j’ai été entourée de merveilleux hommes de talent, et sensibles, (ndlr, Gary Oldman rit en entendant cette description). José, le réalisateur est tellement intelligent et sensible, comme Gary aussi. Je n’ai pas eu l’impression d’être « la fille du film », j’ai vraiment senti que je faisais partie d’un super film.
Merci à Way To Blue pour cette table ronde, ainsi qu’à Gary Oldman, Abbie Cornish, Joel Kinnaman et José Padilha.
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