A l’instar des espagnols, les hispaniques s’aventurent sur les sentiers du cinéma d’horreur, et le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs œuvres ne ressemblent à aucune autre. Avec The Silent House, l’Uruguay fait une entrée remarquée en forçant la porte du dernier festival de Cannes et en faisant partie des compétiteurs au festival de Gérardmer. L’émergence d’un nouveau savoir-faire ?
Laura et son père s’installent dans une vieille maison isolée dans les bois dans le but de la retaper, mais d’étranges bruits provenant de l’étage supérieur inquiètent la jeune fille. Wilson, son père, tente de la rassurer en explorant les combles.
A partir d’un postulat simple qui n’est pas sans rappeler Amityville, The Silent House invite le spectateur à découvrir les dangers de la maison au même moment que l’héroïne en restant très évasif sur la nature des événements. On s’en rend compte très vite, dès le départ, le film repose sur un concept audacieux puisqu’il se base sur le temps réel. En clair, on suit chaque mouvement de Laura, à la seconde près, sans jamais perdre une miette de son exploration. Rajoutons à cela qu’il s’agit d’un huit-clos, l’ensemble du long-métrage se déroule au cœur de la bâtisse – à l’exception de deux ou trois scènes – obligeant le réalisateur à faire preuve d’imagination pour varier la longue investigation de Laura, ce qui n’était pas une mince affaire sachant que le film entier repose sur un long plan séquence tourné à l’aide d’un appareil photo numérique. Le défi est donc de taille car il est question de conduire un film de 88 minutes sans aucune coupe, aucun montage.
Dès lors, on s’aperçoit que tout s’appuye sur la maitrise technique : photo, lumière, cadre et jeu d’acteur forment l’essentiel de ce long pour le moins étrange et déstabilisant dans sa forme. La maison est plongée dans le noir total, la seule source de lumière visible provient d’une lampe à pétrole ou du flash d’un polaroid.
La richesse du titre revient à la qualité de son image propre et soignée. Le pari était difficile, et on sent que techniquement, tout a été pensé au millimètre près tellement la lumière est belle et bien mesurée. Elle devient même la pièce maitresse du film, supplantant l’actrice principale qui nous livre une performance honnête sans pour autant être extraordinaire. La lumière dévoile les secrets de la maison en éclairant chaque embranchement de couloirs, chaque élément clé, et s’accorde magnifiquement avec cette atmosphère bleutée et glaciale.
Mais voilà, là où le bât blesse c’est dans le fond…
Ce type de procédé connait ici ses limites, et suivre durant plus de 80 minutes une jeune fille apeurée dès le départ, arpentant – pour on ne sait quelle raison – les couloirs de sa maison, c’est juste un peu léger. Car il faut l’avouer, il ne se passe pas grand chose dans ce Silent House. Laura explore la maison et découvre peu à peu des objets qui laissent supposer qu’un drame a autrefois eu lieu entre ces quatre murs. Dès lors on tente d’assembler les pièces du puzzles pour élucider un quelconque mystère, mais dans la majeur partie du temps, l’héroïne avance à petits pas en tremblant de tout son corps. C’est un peu le revers du temps réel qui, au lieu d’accentuer la peur, peut provoquer plus d’ennui qu’autre chose, d’autant que les découvertes de Laura se font vraiment au compte goutte. Il ne faut pas confondre peur et ennui…
C’est donc du point de vue scénaristique que The Silent House connait ses faiblesses, car durant les trois-quarts du film, on tâtonne en même temps que l’héroïne pour saisir un bout de l’intrigue. Cela est probablement volontaire de la part du réalisateur Gustavo Hernandez, mais il y a alors comme une impression de léguer l’histoire au second plan. Il s’en désintéresse pour ne se concentrer sur la plastique de son titre et une fois l’ensemble bouclé, il revient, comme par magie, sur le fil de l’intrigue en y apportant un sens. C’est toutefois bien trop tardif car entre temps il a égaré une bonne partie de son public qui n’a aucunement envie de revenir dans le film.
Chose regrettable dans la mesure où il est impossible de nier à tel point le titre est séduisant dans son concept. Tourné en quatre jours avec un budget dérisoire de 6000 $, ce Silent House nous bluffe tant il est beau à l’œil. Et il n’est pas difficile d’imaginer les difficultés qu’engendre le parti pris du plan séquence.
A noter que la version en salle est légèrement différente de celle à Cannes. Une dernière séquence de plusieurs minutes a été ajoutée après le générique de fin. Elle donne un sens à l’histoire en l’orientant clairement vers l’une des interprétations que l’on pouvait faire à l’origine.
Et la peur dans tout ça ?
Les belles idées de manquent pas, malheureusement, à force de répétition, la sauce ne prend pas réellement. Laura sillonne la maison si longtemps que l’adrénaline n’atteint jamais vraiment les sommets et même si les couloirs sont certes inquiétants par moment, à ne rien se passer, on est vite pris de lassitude. Pour un titre qui voulait jouer la carte de « la peur en temps réel« , cela s’avère légèrement compromettant. Pourtant il reste quelques scènes plutôt bien menées comme l’utilisation du polaroid, mais elles sont bien trop rares.
En fin de compte, The Silent House est un film qui va incontestablement diviser, entre ceux qui y verront un intérêt d’ordre purement technique, et ceux qui vivront les 88 minutes comme une véritable torture. Mais compte-tenu du pari fou dans lequel Hernandez s’était engagé en sublimant l’utilisation de son plan séquence d’un point de vue esthétique, en plus de ses faibles moyens, le film reste une curiosité qu’il est plus agréable de disséquer plutôt que de le vivre en tant que spectateur. Un type qui pourrait se révéler dans ses prochains films puisque ce n’est pas dans celui-ci qu’il va briller !
Sortie en salle le 16 mars 2011.