Après une première « nouvelle » édition qui ne brillait franchement pas par son contenu, la Paris Comic Con version ReedPop était de retour à la Grande Halle de la Villette les 21, 22 et 23 octobre dernier. J’ai fait l’effort de croire que des leçons avaient été tirées de la « première » édition et je me suis donc rendue sur place le vendredi. Je pense qu’on ne m’y prendra plus.
La Paris Comic Con est la troisième convention organisée par ReedPop à laquelle j’ai pu assister cette année : il y a eu Star Wars Celebration Europe, à Londres au mois de juillet, que j’ai fait sur toute la durée, puis la New York Comic Con en octobre, où j’ai pu me rendre une journée car j’étais sur place pour mes vacances. Trois conventions, trois saveurs, et pas mal de différences.
Si la Star Wars Celebration s’est déroulée sans encombre, j’ai cependant pu goûter à certaines phases d’organisation un peu chaotiques, notamment lors des photoshots avec les acteurs : les tarifs élevés des Mark Hamill et autre Carrie Fisher n’ont pas empêché les fans (dont moi, je l’avoue :)) de faire la queue des heures durant pour repartir avec un cliché forcément culte. A New York, le chaos était un peu plus visible partout : une convention noire de monde même le vendredi (pourtant journée creuse) et des centaines et des centaines de mètres de file d’attente (sous la pluie le samedi) pour ceux qui n’avaient pas décidé de se lever suffisamment tôt. Résultat : des panels, des séances photos et dédicaces payées d’avance dans le vent car le temps de rentrer les sessions étaient terminées.
Bref, malgré d’excellents moments passés à ces conventions, je retiens des défaillances d’organisation et des gens (forcément) pas toujours très contents. Mais disons qu’après 15 ans de conventions en France, en Europe et aux USA dans les pattes, j’ai appris à avoir de la patience et à comprendre que tout n’est pas toujours au top. C’est assurément l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de retenter la Paris Comic Con cette année.
Une « seconde » seconde édition
Rappelons tout d’abord qu’il s’agissait non pas de la seconde édition de la PCC (puisque la SEFA en a organisé, en marge de la Japan Expo, des années durant) mais de la seconde édition organisée par ReedPop. Cette année, les organisateurs ont pris la décision d’ouvrir toute la mezzanine de la Grande Halle, pour pouvoir faire entrer plus de monde que l’année précédente, où les lieux, pour des questions d’assurance, ne pouvaient pas accueillir plus de de 10 000 personnes en même temps.
L’initiative était louable. Le problème, c’est que quand on cherche à avoir plus d’espace, il faut plus de contenu à mettre en avant. Or, on ne va pas se mentir, ce n’était absolument pas le cas. Certes, ont pouvait trouver des stands d’associations sur l’un des côtés de la mezzanine, ou encore un vendeur de comics VO tout droit venu du Canada (!!!) de l’autre côté. Mais le reste de l’espace se résumait à des visiteurs assis à même le sol, à moitié endormis ou dépités.
L’essentiel des stands se résumait à des boutiques de Pop, des figurines (comics mais aussi et surtout issues de manga), de la bouffe, quelques éditeurs ayant retenté le coup comme Panini, Delcourt, Glenat ou Bliss, un stand Warner principalement dédié à Batman Arkham VR (le seul stand qui n’a pas désempli de la journée) ou encore un stand Canal+ où l’animateur cherchait à mettre l’ambiance comme il le pouvait. Parce que oui, l’ambiance, je l’ai cherchée et je ne l’ai pas trouvée : arrivée sur place aux environs de 11h30, j’ai eu un choc en découvrant l’espace très aéré et particulièrement calme. Je ne suis pas une partisane des décibels à tout va en convention, mais disons que là, c’était tellement vide d’un point de vue sonore que j’en suis venue à me demander si ça avait réellement commencé.
Planning volage
Il y avait bien des conférences et là-dessus, je dois admettre que celles auxquelles j’ai pu assister étaient de qualité, aussi bien dans les grandes salles que dans les plus petites. Mon seul regret en n’étant pas venue les autres jours, notamment le samedi, aura été de ne pas pouvoir assister à certaines conférences, comme celle de l’excellent Terry Moore. Mais pour cela, il aurait fallu se lever très tôt, car cette dernière ayant lieu à 9h45 alors que les portes ouvraient à 9h30, c’était pas vraiment gagné. Et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres : décider de faire débuter les conférences aussi vite après l’ouverture tient de l’amateurisme absolu.
D’ailleurs, sur le même thème : le fait d’avoir imprimé le planning tellement tôt qu’il était totalement faux tient là aussi de la blague de débutant. Certes, la convention a essuyé de nombreuses annulations durant les deux semaines avant son ouverture, mais si cela perturbe le programme au point de rendre le planning imprimé totalement ridicule (des conférences totalement annulées parce qu’aucun guest présent, notamment) autant s’abstenir de le distribuer, non ? La bonne blague ayant eu lieu la veille du salon sur Twitter, au moment où le compte officiel de la convention a carrément conseillé d’imprimer la version Web.
J-1! Pensez à imprimer le programme! Un programme visiteurs sera disponible mais suite aux récents changements, il ne faudra pas s’y fier! pic.twitter.com/rC4bSUnprD
— Comic Con Paris (@ComicCon_Paris) 20 octobre 2016
On peut ajouter à cela le fait que certains membres du staff ne savaient pas quoi répondre à des questions aussi basiques que « où est telle salle », que devant les grandes salles il y avait le planning d’autres endroits, ou encore que certains intervenants n’avaient même pas été prévenus du changement d’heure d’une conférence à laquelle ils participaient. Des détails qui peuvent faire rire tellement tout ça a l’air ridicule, mais le vivre n’est pas particulièrement agréable…
La cerise sur le gâteau : l’Artists Alley
Si on pouvait, avec beaucoup de mauvaises fois, mettre pas mal des points précédents sur le compte de la malchance et de cafouillages associés, voici un autre point qui ne peut que mettre tout le monde d’accord sur le fait que ReedPop France se fiche royalement de la figure du monde : l’Artists Alley. Cet espace, censé rassembler tous les artistes de comics présents à la convention, se résumait en tout et pour tout à une dizaine de tables en haut de la mezzanine, avec aucun affichage, aucun habillage. Aucune célébration, en somme, du mot « Comic » que l’on trouve dans « Comic Con ».
Déjà l’année dernière, voir des grands noms du comics comme Amanda Conner relégués à un coin sombre du salon, non loin d’une porte ouverte vers le froid en direction d’un espace fumeur, c’était un crève-coeur. Mais là, voir des Greg Pak, des Terry Moore, des auteurs qui se font si rares en France planqués en hauteur, presque introuvables, assis à des tables qu’on n’oserait même pas refourguer au plus foutraque des fanzineux dans une convention de Province, ça a provoqué en moi un énorme mélange de colère et de tristesse. La plupart des auteurs étaient donc très disponibles pour leurs (rares ?) fans, et la plupart se disaient malgré tout content d’être là puisqu’invités par le salon. Encore heureux, il aurait plus manqué qu’ils aient en plus payé l’avion et leur table pour se retrouver dans cette misère. Quand on sait à quoi ressemble une Artists Alley de convention US, ça a dû leur couper l’envie de revenir à leurs frais.
En parlant de frais, s’il n’y avait pas plus d’auteurs français, pro ou semi-pro, c’est parce que la table était facturée cette année 320 euros. Une somme colossale pour des artistes qui galèrent souvent à vivre de leur travail. Et surtout, une somme énorme pour avoir une table dans un coin sombre du salon, dont peu de gens auront compris qu’il y a des choses à y voir. Désolant, pour ne pas dire purement honteux venant d’un salon qui revendique aussi fièrement – jusque sur des tee-shirt vendus 25€ – le nom de Comic Con !
Le public français, cinquième roue du carrosse
A 17h, soit 2h avant la fermeture du salon, les allées étaient déjà quasiment vides. A 18h, l’animateur de chez Canal+ n’essayait même plus de raviver la flamme. Un petit tour chez un éditeur pour acheter un comics, discussion avec l’une des vendeuses, déjà dégoûtée après une journée de salon : « ils n’ont clairement tiré aucune leçon de l’année dernière. »
Après tout, malgré des retours mitigés, l’édition de l’année dernière avait joué à guichet fermé. Et malgré les critiques, les gens ayant acheté des billets s’étaient déplacés. Si cette édition 2016 n’étaient pas sold out, elle affichait des allées bien pleines durant les jours du week-end, et de nombreuses familles avaient fait le déplacement. A 21€ le billet pour une journée, tout ça pour faire le tour du salon en 30 minutes, se fier à tort à un planning totalement faux pour les conférences et éventuellement raquer pour des photos ou des dédicaces payantes, il n’y avait pas grand-chose à tirer de cette seconde édition du PCC à la sauce ReedPop.
C’est d’autant plus désolant quand on connait le travail de cette entreprise ailleurs dans le monde, où chaque billet acheté permet notamment d’avoir un joli pass à mettre autour du cou, où de nombreux partenaires offrent des activités et goodies gratuits (Comme Lego, Marvel, Netflix, pour ne citer qu’eux), où les auteurs et célébrités sont véritablement valorisés, et j’en passe.
On a vraiment le sentiment que le public français est considéré comme un public de moutons décérébrés, qui ne viendra chercher que le consumérisme et ne s’intéressera pas une seule seconde à l’humain dans une convention… alors que pour des centaines de gens, ce genre de salons est un lieu de retrouvailles, de rencontres, et idéalement d’émotions.
Le pire, c’est que de la passion et du professionnalisme, il y en a dans le PCC. Principalement chez les intervenants, les maîtres de conférence, les traducteurs, les guests liaison, qui sont là parce qu’ils aiment ça, et aucunement parce qu’ils sont payés. Parce que oui, autre vérité du salon : l’immense majorité des intervenants n’ont pas touché un centime pour être présents, pour certains, les trois jours de convention. Pas de défraiement et d’hébergement non plus, évidemment.
Vous allez me dire, « business is business », sachant ça ils n’avaient qu’à pas venir participer. Certes, mais imaginez ce qu’aurait été ce salon sans ces gens passionnés et pro malgré les circonstances ? Personnellement, c’est à peu près les seules personnes à qui j’ai envie de dire merci.
Finissons sur les chiffres de fréquentation annoncés, qui sont de 32 000 visiteurs, soit une hausse de 8% par rapport à l’année dernière selon les organisateurs. A la différence d’autres conventions, la PCC ne peut pas vraiment gonfler ses chiffres vu la taille des lieux, pourtant, ces chiffres sont remis en question officieusement par plusieurs sources proches de l’organisation : trois personnes différents évoquent autour de moi une fréquentation plus basse que celle annoncée, voire même plus basse que celle de l’année dernière.
On peut se demander si cette mascarade est vraiment rentable pour ReedPop, malgré les prix hallucinants des stands et les économies de staff. Le public, lui, devrait également se poser la question. En attendant, la troisième édition aura lieu du 27 au 29 octobre 2017.